Le poignant témoignage de Mélissa, 23 ans, brûlée vive

Brûlée vive à Argenteuil en 2008, mais miraculeusement vivante, une jeune femme de 23 ans pourrait ne jamais avoir droit à un procès. La procureur de Pontoise a requis un non-lieu en faveur des deux mis en examen pour tentative de meurtre, deux personnes présentes dans l’appartement lors des faits. Mélissa attend désormais la décision du juge d’instruction
« Je peux vous montrer comment j’étais avant? » Dans son minuscule studio de Douai (Nord), Mélissa feuillette fébrilement un petit album de photos pour tenter de retrouver des images d’elle, des images d’avant le white-spirit qui l’a brûlée aux bras, aux mains, au torse, des cuisses au menton. « Regardez, je faisais du mannequinat. J’étais une belle fille. »

C’était avant le 3 janvier 2008, à 18 heures. La jeune femme originaire de Douai avait tenté sa chance dans la région parisienne quelques mois plus tôt. « Je ne trouvais pas de travail dans le Nord. Alors, je suis partie pour Paris, un peu à l’aventure. J’ai rencontré la jeune femme à la gare de Douai. Nous avons sympathisé. Elle était aussi dans la galère. » Un autre copain rencontré en route héberge les deux filles à Argenteuil, à côté de la gare du Val. Une situation sans embrouille notable jusqu’au jour de l’altercation. Mélissa est aspergée de white-spirit, puis transformée en torche vivante. « Je me souviens juste avoir couru dans le couloir en feu, être allée dans la baignoire chercher de l’eau », raconte-t-elle. La suite, c’est le service des grands brûlés à l’hôpital Percy, à Clamart (92), la chambre stérile, les greffes de peau à répétition, une longue et pénible rééducation. « J’ai été plongée dans le coma pendant deux mois. Les médecins ne savaient pas si j’allais m’en sortir. Au réveil, j’étais comme un bébé qui bavait. J’avais une trachéotomie, j’ai dû réapprendre à respirer, à manger. »

Les deux occupants de l’appartement lors des faits, Claudia*, une jeune femme de 22 ans, et Medhi*, 39 ans, ont été mis en examen pour tentative de meurtre. La première a reconnu avoir aspergé la victime, mais sans savoir, affirme-t-elle, qu’il s’agissait de white-spirit. Aucun des deux n’admet avoir allumé le feu et ils pourraient échapper à un procès : la procureur de Pontoise a requis cet hiver un non-lieu en leur faveur. Le juge d’instruction n’a pas encore tranché.
Un doute sur le rôle de chacun des suspects
« Un non-lieu serait un vrai déni de justice! » estime l’avocat de Mélissa, Me Bouzrou. « Selon la procureur, il y a un doute sur le rôle de chacun et cela doit leur profiter. C’est vrai que c’est assez flou. Mais ce qui est aussi certain, c’est que ce n’est pas Mélissa qui a mis le feu! » Il évoque aussi les déclarations contradictoires des personnes mises en examen. Medhi a été brûlé aux mains, expliquant que c’est en portant la victime. Selon lui, le feu lui aurait aussi brûlé la moustache et la barbe. Or, une vidéo tournée avec un portable peu avant les faits le montre rasé. « On a largement les moyens de renvoyer les gens devant le tribunal » conclut Me Bouzrou.

« Je veux juste un jugement », insiste Mélissa, qui ne sort pratiquement plus, pour éviter les regards. « Je ne peux pas avancer dans ma vie. On dirait que c’est moi la coupable. Ils ont voulu me tuer. Ils n’ont pas réussi. Je veux qu’ils payent et je veux savoir ce qui s’est passé. Et aussi, s’ils arrivent à dormir la nuit. »

* Les prénoms des mis en cause ont été modifiés.
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