L'un a cogné son ex-compagne et minimise. L'autre a fait pareil et pleure son malheur. Le dernier, drogué au volant en récidive, désespère sa famille. Mercredi, trois jeunes aux trajectoires compliquées étaient confrontés à leurs vieux démons.
LA présidente pose son regard sur le prévenu : « Vous êtes en manque de quelque chose, Monsieur ? » Sébastien, 22 ans, répond par la négative en secouant un peu trop vigoureusement la tête.
Le 18 février, à Sedan, il a frappé son ex-concubine, mère de ses deux filles. Lui parle de « bonne gifle », la victime de « coup de poing ». Total : trois points de suture à l'arcade et quelques jours d'ITT.
Aux policiers, elle a raconté des violences antérieures, précisant sur le soir des faits : « Je voyais dans ses yeux qu'il était défoncé ». A chaque propos accusateur, Sébastien roule des gros yeux et cherche des regards compatissants, y compris chez les gendarmes de son box.
En vain. « La remise en question est difficile chez vous, non ? », demande la présidente. Lui, superbe : « J'ai fait une erreur mais c'est pas une raison pour mettre tous les torts sur moi ». L'expert parle d'un jeune homme « immature, égocentrique et impulsif ».
Sébastien a déjà été condamné six fois. Le 15 mars, il doit repasser au tribunal pour des faits similaires. Mandatée par l'association SOS victimes, l'avocate de la jeune femme pointe les « propos alarmants » du prévenu.
« On a l'impression que c'est un lion dans une cage », ajoute-t-elle. Sébastien, tel un fil électrique où passerait trop d'électricité, ne fait rien pour la démentir.
Avec constance, il lève ostensiblement les yeux au ciel et ne cesse de secouer frénétiquement un index tendu pour exprimer son désaccord. Son avocate, rappelant que le couple déchiré était encore réuni quelques jours plus tôt, note : « La vie de couple vous savez, ce n'est jamais tout noir, tout blanc […] Pour lui comme pour elle, il ne faut plus qu'ils se voient ». Le substitut du procureur réclame 6 mois ferme.
A l'issue du délibéré, Sébastien écope de 6 mois ferme avec mandat de dépôt « à la maison d'arrêt de Charleville, uniquement pour que vous puissiez voir plus facilement vos enfants ! », sous-titre la présidente. En outre, il devra verser 1.650 euros à la victime sans chercher à la fréquenter.
Poing sur le cœur. - Le 30 janvier, Antoine, 25 ans, se fait contrôler au volant d'une voiture, près d'Attigny : positif à l'héroïne et au cannabis. Et il est en récidive.
« Que vous mettiez en danger votre santé, c'est une chose mais si en plus, vous risquez la vie des autres, ça devient vraiment embêtant », « euphémise » la présidente.
Illusions
Antoine dit « gérer » son sevrage mais lâche un curieux : « Interdisez-moi tout ce que vous voulez ». « On ne peut pas vous prendre par la main », objecte la présidente. Par ses rechutes addictives, Antoine « désespère » ses parents.
Eux aimeraient qu'il reprenne la ferme familiale. Le substitut demande 8 mois ferme. Finalement, Antoine est condamné à 5 mois de prison. Son permis de conduire est annulé.
« Les soins vont commencer dès demain », assure la présidente. La mère d'Antoine croise le regard de son fils de nouveau menotté et, brièvement, serre son poing droit sur le cœur.
Minerve. - « Pfff, aujourd'hui, c'est la loi des séries », souffle une avocate. Vincent a pris place dans le box. Ce robuste garçon, âgé de 33 ans, s'est violemment disputé avec sa compagne.
Au premier rang de la salle, une brune élégamment vêtue se lève : « J'aurais aimé dire un mot mais je refuse de me porter partie civile ».
A peine assise, elle plonge son regard dans celui du prévenu pour ne plus le lâcher. Elle porte une minerve, stigmate de leur dernière dispute.
Dans la soirée du 20 février, à Charleville-Mézières, ces deux-là regardaient un film. « Un truc de princesses », se souvient Vincent. Et puis tout dérape. Éclats de voix, menaces, violences.
Elle quitte les lieux, il la poursuit, la rattrape et la traîne de force. La scène se termine sur le parvis de la gare : elle hurle en pleurs, maintenue à terre par Vincent qui la cogne devant témoins.
5 jours d'ITT pour la victime qui avait déjà déposé 4 plaintes. « Je lui disais que je l'aimais, que je ne voulais pas la perdre, se met à sangloter Vincent. J'essaie de calmer les gens mais j'y arrive pas, alors après c'est mon instinct ».
« Je crois toujours qu'il va changer, justifie-t-elle ensuite. Je l'aime. »
Endetté, au chômage, ce Carolo avait acheté une bague pour la dernière Saint-Valentin : « Je voulais me faire pardonner (de violences antérieures, ndlr), ça a mal marché ». Il dit encore : « Je suis malheureux, elle me brise ».
Cela fait un an qu'ils sont ensemble. Avec une précédente compagne, il a eu un fils qu'il n'a jamais vu. Dans son enfance, son père et son grand-père l'auraient violenté. L'expert dit de lui : « Il peut la mépriser comme parfois il se méprise lui-même ».
Le substitut résume : « Il n'est pas maître de ses réactions, on a toutes les raisons de craindre que ça dégénère ». Et requiert 10 mois ferme. Saisie, la victime se couvre la bouche d'une main sans parvenir à réprimer un cri d'effroi. L'avocate de Vincent analyse : « Il ne sait pas aimer car il n'a jamais été aimé. Elle, il l'aime mais il ne sait pas comment faire quand ça ne va pas, alors il cogne. » Déclaré coupable, Vincent est condamné à 10 mois de prison avec mandat de dépôt et obligations de soins. Le visage de la victime se tord de douleur. Sans lâcher Vincent des yeux, elle pleure en silence. ça ne fait pas de bruit, des illusions qui s'effondrent.http://www.lunion.presse.fr/article/ardennes/tribunal-correctionnel-la-vie-de-couple-vous-savez
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