samedi 2 juin 2012

Héroine et cocaïne Un toxicomane face à sa conscience

Dans le cadre pourtant si souvent paralysant d'une salle d'audience, ses mots roulent avec fluidité et semblent le libérer d'un poids trop lourd. Comme s'il arrivait enfin à dépasser ce défaut qu'il reconnaît : « Depuis mon enfance, je n'arrive pas à dire les choses. J'intériorise beaucoup ». Jugé mercredi par le tribunal correctionnel de Charleville-Mézières pour importation, transports et détention de stupéfiants, Sylvain L., en état de récidive pour un précédent en 2005, s'est raconté avec « une grande sincérité » comme l'a reconnu le substitut du procureur.
Naissance à Séoul (Corée du Sud) en 1983). Adopté très jeune par un couple français. Son père de substitution meurt un an plus tard. Scolarité sans histoires. Premiers joints à 17 ans : « J'étais mal dans ma peau, le dialogue avec ma mère était devenu difficile ». Premier sniff d'héroïne à 22 ans « suite à une rupture amoureuse ». Et démarre un interminable cycle de périodes d'addictions et de sevrages.
Ces derniers mois, Sylvain tournait « à deux-trois grammes d'héroïne/jour ». L'homme vit avec sa compagne - à qui il a avoué sa toxicomanie en 2011 - et, depuis 2007, tient une épicerie dans un village de 800 habitants du Loir-et-Cher. « Le contact au quotidien avec les clients, j'aimais bien », dit-il. Mais l'argent manque : « Depuis quelques mois, je n'avais aucun salaire. Je n'avais plus de quoi payer les charges qui n'arrêtaient pas d'augmenter ». Alors Sylvain a une idée insensée : aller acheter de la drogue à Maastricht pour la revendre au détail en France et en tirer des bénéfices. « Le projet s'était seulement décidé quelques jours avant de partir ». Il rassemble 7 000 euros - dont 1 200 de sa poche - et file avec un ami, uniquement là pour faire le chauffeur puisque Sylvain n'a pas le permis.
Le 12 mai, les douanes interceptent le duo à Poix-Terron. L'airbag passager, atteint via la boîte à gants, est rempli jusqu'à la gueule : 396 grammes d'héroïne, 20 de cocaïne et 880 de méthamphétamines, censé couper l'héroïne. Sylvain met hors de cause son camarade de voyage et « assume tout ». Estimation au détail de la marchandise sans compter les « meths » : 13 000 euros. « Bon, alors, la drogue, au final, ça arrange quoi ? », fait mine de s'interroger la présidente. « Rien du tout », répond Sylvain.
Avec une pointe d'empathie, la substitut du procureur voit dans cette affaire « un dossier emblématique » des ravages de la toxicomanie. Regrette que le prévenu « ait décidé de faire commerce de la mort pour se sortir de ses difficultés ». Et requiert la peine-plancher (applicable pour les cas de récidive, ndlr) : quatre ans de prison - dont trente mois avec sursis - avec le maintien en détention. Vite, l'avocat de Sylvain bout : « Sa vérité, il vous la sert brute ! Chez lui, vendre de la drogue n'est pas un mode de vue. A 99 %, il est dans la problématique du consommateur, pas du trafiquant ! » Et finit par exploser : « La peine-plancher, c'est antinomique de la personnalisation des peines ! De la justice ! Là, on ne va donner à cet homme une peine de quatre ans comme on va chercher un croissant au distributeur ! ».
À l'issue du délibéré, Sylvain est condamné à quatre ans de prison - dont trente-deux mois avec sursis. Maintenu en détention, il devra s'acquitter d'une amende de 13 000 euros au Trésor public


http://www.lunion.presse.fr/article/ardennes/tribunal-correctionnel-heroine-et-cocaine-un-toxicomane-face-a-sa-conscience-0

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