La Commission nationale informatique et libertés, la Cnil, enregistre chaque année plusieurs milliers de plaintes. Le gendarme du Net, qui dispose d'un pouvoir de sanction, privilégie la résolution des litiges à l'amiable et répugne en règle générale à saisir la justice. Dans le courant de l'été 2011, submergée par les réclamations concernant différentes sociétés du nord de la France, dirigées par le Bordelais Laurent Rigaldies, la Cnil n'a pu faire autrement que d'alerter le procureur de Douai. En quelques mois, elle avait reçu près de 900 appels téléphoniques, et plus de 400 courriers d'internautes, furieux de voir leurs données personnelles exploitées sur différents sites.
Gérant de Data Today - une SARL spécialisée dans la conception et la vente de logiciels -, Laurent Rigaldies avait développé plusieurs annuaires déployés sous trois bannières distinctes : webinbox.info, habitant-ville.info et numero-tva.info. Sa principale ambition : créer une base de données pour chaque ville en rassemblant différents répertoires thématiques : particuliers, professionnels, administrations, associations… Pour les alimenter, il avait recours à ce qu'il appelait familièrement sa « moulinette ». Ses logiciels fouillaient les moindres recoins de la Toile et collectaient une multitude d'informations.
Au dire de Laurent Rigaldies, celles-ci, déjà disponibles sur Internet, revêtaient un caractère public. La réalité, dévoilée par les enquêtes de la Cnil et de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information, diffère quelque peu. Des particuliers ont ainsi eu la surprise de découvrir dans ces atlas numériques non seulement leur nom, mais aussi leur adresse personnelle et leur numéro de téléphone. Avec des conséquences parfois fâcheuses : un officier de police judiciaire, un travailleur social, un avocat ont ainsi vu des données confidentielles être accessibles à tous, et une femme qui venait de se séparer de son compagnon a été retrouvée et … harcelée par ce dernier.
À l'époque, le site webinbox.info se prévalait d'avoir informé la Cnil de son existence. Mais une déclaration ne vaut pas quitus, chaque opérateur devant respecter les obligations prescrites par la loi informatique et libertés. Notamment celles concernant l'information des personnes mentionnées, leur droit de connaître l'origine des données et d'obtenir leur suppression. Nombre d'internautes se sont heurtés à un mur lorsqu'ils ont demandé à webinbox.info et à habitant-ville.info de les faire disparaître de ces annuaires.
Commercialement, l'affaire se présentait sous les meilleurs auspices. Un accord passé avec la régie publicitaire de Google permettait aux sites d'accueillir de plus en plus d'encarts. Les revenus proportionnels à l'audience étaient virés sur les comptes de cinq associations présidées par Laurent Rigaldies. En un semestre, elles ont encaissé près de 43 000 euros. « Elles n'enregistraient pas de cotisations de membres et elles n'avaient pas d'activités en relation avec leurs statuts depuis de nombreux mois », souligne le tribunal correctionnel de Bordeaux dans les attendus de son jugement, rendu le 26 novembre dernier.
Condamné à dix mois de prison avec sursis pour abus de confiance, collecte et diffusion illicite de données, Laurent Rigaldies, s'il ne fait pas appel de la décision, court désormais le risque de devenir un paria du Net. La justice lui a interdit d'exercer pendant cinq ans les activités qui étaient les siennes jusqu'alors, tout en prononçant la mise en sommeil des associations. Nul ne devrait l'ignorer puisque la publication de la décision a été ordonnée sur le site de la Cnil.
http://www.sudouest.fr/2012/12/01/annuaires-pas-tres-net-896096-7.php
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