David contre Goliath. L’image a beaucoup servi. Mais elle colle comme une sangsue à la peau de Robert Riblet. Cet ingénieur à la retraite originaire de l’est de la France se dresse depuis douze ans contre la Française des jeux, qu’il accuse de manipuler le hasard. La parole de l’institution qui réalise aujourd’hui 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires et verse près de 3 milliards de taxes dans les caisses d’un État nécessiteux pèse lourd. Mais pas au point de faire courber l’échine au trublion. Le 22 mars dernier, il a obtenu de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles la relance de l’information judiciaire ouverte en 2007 contre l’entreprise publique pour escroquerie, tromperie et publicité mensongère.
L’histoire commence en 2001, dans un café rural de l’Aisne. Alors qu’il boit l’apéritif avec des gendarmes, ce Géo Trouvetou, lauréat par le passé du concours Lépine, comprend qu’il y a piballe sous caillou ! Sous ses yeux, un consommateur gratte consciencieusement une liasse de billets. Après avoir découvert le gros lot, il restitue au cafetier les tickets non déflorés. Ceux-ci sont immédiatement remis en vente. « Tous les perdants ont eu leur chance », ironise Robert Riblet.
Du fait de son travail, l’ingénieur traverse la France de long en large. Après plusieurs années d’enquête, de nombreuses conversations avec des buralistes et 33 000 € de billets achetés, ce joueur assidu n’a plus l’ombre d’un doute. Les Black Jack, Vegas, Solitaire et autre Millionnaire composent avec l’aléa. La Française des jeux domestique le hasard en faisant en sorte que chaque bande de 50 tickets comporte tout au plus un ticket gagnant. Les détaillants n’ignorent pas qu’ils vendent à leurs clients des billets perdants.
Il y a donc atteinte à un principe que l’on croyait gravé dans le marbre : la détermination et l’attribution des gains dans des conditions assurant l’égalité des chances entre les joueurs par des moyens faisant appel à l’intervention du hasard. L’enquête menée par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes donne entièrement raison à Robert Riblet.
Les agents se sont penchés sur le cas du Vegas. Le règlement de ce jeu stipule que « les lots attribués aux tickets gagnants sont répartis selon la voie du sort ». Mais dans les faits, les logiciels de la Française des jeux veillent au grain et ventilent les jackpots de manière homogène et mathématique. Interrogé en 2007 par le premier juge d’instruction en charge du dossier, Christophe Blanchard-Dignac, le PDG de la Française des jeux ne le nie pas.
Il admet que l’entreprise publique encadre l’impression des tickets et programme la répartition géographique des gagnants. Jusqu’alors, ces règles n’étaient connues que d’une poignée de cadres de la société. Mais selon le PDG, elles n’ont rien d’illégal. Un décret relatif à l’exploitation des jeux promulgué en 2002 précise que l’intervention du hasard peut être « totale ou prépondérante ».
Robert Riblet ne lâche rien. Et les avocats de la Française des jeux font feu de tout bois. Pour sortir de cette bataille de mots, la justice s’en remet alors à un homme de l’art, le linguiste Claude Hagège. Avec pour mission de définir l’expression figurant dans le règlement du Vegas : « Être répartis par la voie du sort. » En apparence, elle ne semble pas sujette à interprétation. Ce n’est pas l’avis de Claude Hagège. Le distingué professeur au Collège de France estime qu’elle suggère « une certaine forme d’intervention ».
À la lecture de cette expertise, le juge d’instruction rend une ordonnance de non-lieu. La Française des jeux pense alors en avoir fini avec son poil à gratter. Elle se trompe. Pressé de se débarrasser de l’affaire, le magistrat ne s’était intéressé qu’au Vegas, laissant de côté l’examen des autres jeux de grattage mentionnés par Robert Riblet dans sa plainte initiale. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles vient de lui ordonner de remettre son ouvrage sur le métier. En clair, de « gratter » un peu mieux son dossier !
http://www.sudouest.fr/2013/04/24/le-joueur-poil-a-gratter-de-la-francaise-des-jeux-1034126-7.php
1 commentaire:
Je trouve les procédés de la Française des Jeux immondes et je ne me priverai pas de le faire savoir autour de moi
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