samedi 20 avril 2013

Pays basque : "en prison par erreur", à cause d'une mauvaise adresse

Paul (1) n’a pas apprécié du tout. Du 13 mars au 5 avril, il a découvert les « joies » de l’univers carcéral, pour la première fois de sa vie. La cinquantaine souriante, cet homme bavard et cultivé ne présente pas franchement le profil d’un alcoolique. Mais il a fauté, au printemps 2007. Prenant le volant avec un taux d’alcool légèrement supérieur à 0,8 g/l de sang, il est entré dans la catégorie des délinquants de la route. Convoqué par le tribunal, ainsi avait-il écopé d’une peine de deux mois de prison avec sursis, assortie de 120 heures de travaux d’intérêt général (TIG). Un jugement sans enfermement. Donc acceptable… Sauf à dire que cette affaire a mené l’homme en prison six ans plus tard, à cause d’une adresse postale mal retranscrite.
Déménagements successifs

Pour la justice, il habitait à Tarnes (Gironde) et non à Tarnos (Landes). Si bien que la demande de TIG ne lui est nullement parvenue. Le quinquagénaire n’a donc jamais exécuté cette peine, qui s’est transformée en prison ferme, pour cause de récidive.
« À la fin de 2007, j’ai quitté Chaville (Hauts-de-Seine) pour me rapprocher de ma compagne, à Tarnos, explique-t-il. Avant mon départ, la date de mon procès était fixée. Une fois installé dans les Landes, je me suis donc rendu au tribunal de Nanterre, en janvier. Là, j’ai fourni à l’avocat les papiers qui attestaient de mon déménagement. J’ai écouté le verdict. Et on ne m’a rien dit de plus. Je suis donc reparti à Tarnos, en attendant de savoir quels TIG m’attendaient. »
Dans le sud des Landes, Paul s’est contenté de patienter : « Cela a duré un, deux, puis trois ans… J’étais persuadé de recevoir une convocation pour ces TIG. Mais rien n’est venu. Naïvement, je me suis dit qu’ils ne voulaient pas s’embêter avec mon cas. » Une erreur de débutant, car Paul était recherché.
Il reprend : « À la fin de janvier, ma compagne et moi avons de nouveau déménagé. Nous nous sommes installés à Saint-Jean-de-Luz, où nous avons acheté un appartement. Mon but n’était absolument pas d’y vivre caché. Je travaille notamment en lien avec le Conseil général, dans le cadre de mon activité associative. Je m’occupe de sauver le petit patrimoine ferroviaire, ce qui m’a conduit à envisager un reportage sur le train des nuages, en Argentine. Le voyage étant prévu pour l’été de 2013, il me fallait un passeport. Je l’ai retiré le 11 mars, en mairie de Saint-Jean-de-Luz. »
D’après Paul, la police a profité de ce retrait pour l’identifier : « À peine deux jours plus tard, ils m’interpellaient, tandis que ma femme et moi promenions les chiens. Ils avaient une fiche me concernant […]. Au final, j’ai été présenté au procureur de Bayonne le soir même. J’ai appris que l’on m’avait rejugé en 2009, mais comment aurais-je pu le savoir, puisqu’ils n’avaient pas la bonne adresse ? Devant le procureur, je ne savais pas que je pouvais contester la décision de m’écrouer, ni que j’avais droit à un avocat. On ne m’a rien dit. Et j’ai été incarcéré ce 13 mars, songeant à une erreur. »
La prudence du parquet
Paul y a finalement séjourné vingt-quatre jours, avant d’être discrètement accompagné vers la sortie, un beau soir d’avril. « Après plusieurs demandes, j’ai fini par réussir à envoyer une lettre au juge d’application des peines, lui indiquant cette maladresse postale. Cela a enfin fait pencher la balance de mon côté. J’étais effectivement en prison par erreur. »
Limpide ? Pas pour la procureur de Bayonne, Anne Kayanakis : « Il a été condamné en 2008 pour un taux d’alcool pénalement répréhensible, pour récidive et délit de fuite (2). Puis, son interpellation du 13 mars dernier l’a conduit jusqu’au parquet, car il n’avait pas exécuté ses TIG. La révocation du sursis a donc été prononcée, notre rôle consistant à faire exécuter les décisions. »
« De plus, poursuit-elle, le prévenu n’a pas formulé d’observations sur son changement d’adresse [le Luzien conteste ce point] avant son incarcération. Ce n’est qu’ensuite, par le biais d’un courrier, que le juge d’application des peines de Nanterre nous a alertés, dans l’urgence, sur cette question d’adresse. Nous étions donc embarrassés. Et nous l’avons fait sortir sans attendre, par précaution. »
Anne Kayanakis redouble une dernière fois de prudence : « Je ne peux pas me prononcer sur la responsabilité du tribunal de Nanterre au sujet des coordonnées de cet homme. Rien ne dit que l’erreur vient de là. Enfin, un suivi judiciaire ne devrait pas faire perdre la mémoire. Le temps qui passe ne fait pas disparaître l’obligation. »
De bonne foi, Paul se défend : « Comme je n’ai reçu aucune convocation pour mes TIG, j’ai considéré que l’on m’avait oublié. »
(1) Il s’agit d’un prénom d’emprunt, l’homme souhaitant rester anonyme. (2) Le prévenu ne le conteste pas et annonce l’intégralité de son casier judiciaire : deux condamnations pour conduite en état d’ivresse.

http://www.sudouest.fr/2013/04/19/en-prison-par-erreur-1029075-4344.php

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