jeudi 13 juin 2013

Le meurtrier comparaît libre

Pourquoi Ruddy Kramer aurait-il tué volontairement André Lyet, le 28 novembre 2006, dans sa maison d’Arc-et-Senans ? Pourquoi ce forain vendant de la literie sur les marchés aurait-il voulu donner la mort à un homme de 74 ans qui lui avait déjà acheté un matelas et à qui il rendait visite pour lui en vendre un autre ? Ces questions, l’avocat de la défense, Me Charly Jeanniard, les posera d’autant plus que l’accusé reconnaît les faits marqués par une extrême violence, dans un contexte d’alcoolémie massive, mais parle de légitime défense.
Ruddy Kramer, 40 ans, comparaît libre devant la cour d’assises du Doubs. L’affaire remonte à près de sept années. La fille de la victime, Marie-Line Vallar, avait publiquement dénoncé, voilà huit mois, une interminable procédure et la succession de six juges dans l’instruction d’un dossier ne nécessitant pas de longue et complexe enquête. En proie au mal-être et au sentiment d’injustice, cette aide-soignante n’en pouvait plus de croiser le meurtrier de son père demeurant à Villers-Farlay, commune du jura proche d’Arc-et-Senans. Elle avait alors écrit à l’Elysée. La chancellerie est intervenue et tout s’est miraculeusement accéléré. Disloquée, la famille de la victime a refait son unité pour le procès. Vingt personnes se sont constitué parties civiles.

« J’ai tout cassé »

Face à la cour, Ruddy Kramer, dont tous les proches sont dans la salle, n’esquive pas et livre son récit des faits au fil de souvenirs que le président Ardiet trouve fluctuants. Ce jour de novembre, Kramer arrive vers 11 h du matin au domicile d’André Lyet : « C’était un client, il m’avait dit avoir un fusil à vendre. J’ai pris ce prétexte pour entrer en contact et lui vendre un autre matelas. Il était plutôt jovial. Il m’a servi du blanc puis du Pontarlier, des verres et des verres. Il racontait sa vie, parlait de son ex-femme qui l’avait trompé. Je me suis moqué, il l’a mal pris, m’a dit “ça te fait rire petite tapette” et il m’a mis une claque ». À partir de là, les choses dégénèrent. Invectives, échanges de coups, montée de la violence sous l’effet de l’alcool. Les enquêteurs noteront un taux de 2,16 grammes chez Kramer et 0,86 chez la victime. L’accusé peint André Lyet comme un homme costaud le frappant avec force à la tête, raconte sa peur lorsque celui-ci a menacé de lui tirer une balle entre les deux yeux : « On s’est battu, ma tête a tapé contre une table, je me suis retrouvé à terre, il avançait sur moi, j’ai pris un couteau au sol et fait un geste circulaire, je l’ai touché à la jambe et à la cuisse, c’était plus un réflexe qu’une attaque. En repoussant la carabine, j’ai dû le frapper avec la crosse. Il était inanimé, je lui ai fait un massage cardiaque. Je suis devenu comme fou, j’ai tout cassé dans la maison ». Effectivement, les gendarmes trouveront la maison dévastée.

La légitime défense battue en brèche

Ces explications de l’accusé, le Dr Humbert les corrobore en partie. À la barre, le médecin légiste détaille les nombreuses lésions et plaies profondes de la victime : « Le décès est dû à une conjonction de plusieurs traumatismes, coups de poing, coups de couteau, fractures des côtes, hémorragie. Les conséquences auraient été les mêmes sur un homme plus jeune. Il y a eu des violences extrêmes. Les déclarations de M. Kramer sont compatibles avec mes constatations ». En revanche, le légiste conforte l’avocate générale Renaud en précisant n’avoir pas recueilli de traces de coups violents sur Kramer mais seulement des griffures superficielles. La thèse d’une riposte à proportion de la prétendue force des coups reçus et donc de la légitime défense est là battue en brèche. Le défenseur demandera une requalification des faits en coups ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Reste que c’est la succession acharnée des violences subies par la victime, des coups portées à des zones corporelles vitales qui sont à l’origine de la qualification d’homicide volontaire.

http://www.estrepublicain.fr/actualite/2013/06/13/le-meurtrier-comparait-libre

1 commentaire:

maison de la literie a dit…

J'ai vraiment aimé vous lire. Félicitations pour le blog.