lundi 10 juin 2013

Villeveyrac (Hérault) : amoureux, ils s’éteignent à deux heures d’intervalle

À la puissance deux. Emportés tous les deux le même jour. À deux heures d’intervalle. Paulette s’en est allée à 14 h à la maison de retraite de Villeveyrac (Hérault) où elle résidait depuis deux ans. Le cœur de Marcel Crassous a quant à lui cessé de battre deux heures plus tard, à l’hôpital de Sète. Sans savoir que celle qu’il avait épousée il y a deux vingtaines d’années avait rejoint les étoiles peu avant lui.
Mardi dernier, au cimetière de Villeveyrac, le couple s’est offert son dernier voyage en commun après avoir lutté contre la même longue maladie. Ensemble, jusque dans l’éternité. Elle, 87 ans, avait choisi l’incinération. Lui, 94 ans, l’inhumation. Selon leurs dernières volontés. L’urne et le cercueil ont ainsi fait corps une dernière fois au cœur du même caveau familial.
Il y a dans ces deux morts une étrange force.


Aux pompes funèbres de Mèze, on avoue ne jamais avoir été témoin de deux décès aussi rapprochés. "C’est tellement rare… On a déjà vu l’homme ou la femme se laisser mourir de chagrin quelques jours plus tard mais jamais à deux heures d’intervalle." Pour Francis, un des cousins par alliance de Marcel, "il y a dans ces deux morts une étrange force. C’est fou et beau… Comme s’ils s’étaient attendus pour se rejoindre dans l’au-delà…"
Triste hasard d’une incroyable vie amoureuse. Natifs de Villeveyrac, presque voisins, Paulette et Marcel se connaissent depuis l’enfance. Il la regarde déjà, en pince "pour ses jolis petits mollets". Le bruit des canons l’éloignera d’elle. Deux ans. Marcel sera fait prisonnier de guerre dans une ferme en Allemagne. À son retour sur ses terres vigneronnes, Paulette a 20 ans. Il en a 28.
Courtisée par un tailleur de Montpellier, la jolie couturière échappe au cœur de Marcel. Qui attendra près de vingt ans pour la demander à nouveau en mariage. C’est en 1974 qu’ils se disent oui en l’église du village. Ils ne se quitteront plus. Amoureux de leur énergie respective. Paulette se découvre une passion pour le théâtre, les voyages, la natation, la randonnée. Marcel, lui, s’engage... Secrétaire du club de basket du village, il donne également de son temps au syndicat du marché du raisin de table, il est responsable des anciens combattants, puis élu municipal. Correspondant de Midi Libre durant vingt-deux ans, Marcel consigne parallèlement dans de petits carnets d’écolier tous les événements qui rythment la vie de Villeveyrac. Archiviste du temps qui passe. Autodidacte, érudit, il fait office de sage du village.
Ensemble, comme animés par la mécanique souterraine des cœurs, ils se sont éclipsés le même jour. 
Dans leur jardin parsemé de roses, le couple Crassous aime recevoir la famille. Les frères, sœurs, neveux et nièces. Lorsque Marcel est invité, c’est jamais sans ses trois bouteilles de blanc, rosé et rouge de Villeveyrac. "Pour faire râler les Parisiens !", disait-il souvent à Josette, l’une des belles-sœurs. C’est à elle que Marcel a parlé pour la dernière fois.
C’est devant elle que, la veille de sa mort, Marcel a mis sa tête entre ses mains et crié... "Paulette". Sans savoir qu’elle partirait quelques heures plus tard. Ensemble, comme animés par la mécanique souterraine des cœurs, ils se sont éclipsés le même jour. Eux, que le hasard de la vie avait fait naître à la même date : un 22 septembre. Chiffre-miroir et poétique écho au Vingt-deux septembre, la chanson du voisin sétois Georges Brassens. En duo, au ciel, "vous partîtes"...

http://www.midilibre.fr/2013/06/09/amoureux-ils-s-eteignent-a-deux-heures-d-intervalle,713297.php

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