mercredi 16 octobre 2013

Montalembert règle ses comptes

Ce licenciement-là fait du bruit. Parce qu'il est exceptionnel qu'une directrice d'un établissement soit virée en cours d'année. Parce qu'il a libéré la parole de Christiane Mazel. À la tête du collège et du lycée privé catholique Montalembert de septembre 2009 à mars 2013, cette femme est déterminée à se défendre, et à dénoncer. Elle est persuadée qu'elle a été licenciée parce qu'elle a mis son nez dans des affaires de gros sous qui l'ont conduite à déposer plainte auprès du procureur. Cette enquête, menée par la section de recherches de la gendarmerie de Picardie, est toujours en cours.

Christiane Mazel, qui a œuvré pendant vingt-trois ans comme chef d'établissement dans le public, s'est inquiétée quand elle a découvert que le lycée et le collège étaient déficitaires : il manquait « 200 000 à 300 000 € » dans les caisses. Elle l'a appris lors d'une réunion de conseil d'administration des Amis de Montalembert, l'organisme de gestion de l'enseignement catholique (OGEC), qui gère l'établissement.

D'abord, elle s'étonne que la directrice qu'elle a remplacée soit partie avec « un parachute doré de 120 000 € ». Elle s'intéresse alors aux comptes de l'établissement. Elle découvre des bizarreries, comme ce budget de 100 000 € de photocopieurs, ou celui de 40 000 € d'assurances. Mi-août 2011, accompagnée de son adjointe Béatrice Fourny, la directrice va fouiner dans les papiers de l'intendant. Elles tombent sur des factures surprenantes. Elles concernent les travaux de construction d'une cantine, réalisés entre 2002 et 2006. « On a alors compris qu'un système de fausses factures avait été mis en place pour pouvoir à la fois toucher des subventions du conseil régional, et le remboursement de la TVA par l'État », explique l'ex-directrice. Une société civile immobilière (SCI) Montalembert a été créée en 2002. Des entreprises ont établi des factures à l'adresse de cette SCI, et les mêmes à l'adresse du lycée Montalembert. Sur ce document, l'intendant demande à un entrepreneur de changer le maître d'ouvrage. Sur cet autre, c'est un professionnel qui, certainement pour se couvrir, répond que le nom a été changé à la demande de l'intendant. L'ancienne directrice soupçonne également un système de surfacturation. Selon ses calculs, la nouvelle cantine a coûté la bagatelle de 9 000 € le mètre carré !

Christiane Mazel ne parvient pas à obtenir la comptabilité de la période incriminée, 2002 à 2006. On lui explique qu'à cause d'un orage, les données ont été perdues...
 

Où sont les comptes ?
 

À force d'obstination, elle a enfin accès aux comptes bancaires. Elle tombe des nues : elle constate d'importants mouvements de fonds (plus de 900 000 € en 2002 et 2003), et elle s'étrangle quand elle découvre que les Amis de Montalembert ont placé 850 000 € dans une banque de Friville-Escarbotin en mars 2005, puis 300 000 € en avril et juillet de la même année. D'où proviennent ces fonds ? À quoi sont-ils destinés ? Mystère : elle n'a obtenu aucune réponse.

Tandis que l'enquête de gendarmerie se poursuit sur les comptes de Montalembert, Christiane Mazel a de son côté engagé une procédure devant les prud'hommes pour contester son licenciement. L'affaire devrait être examinée en mars prochain.


http://www.courrier-picard.fr/region/montalembert-regle-ses-comptes-ia0b0n213013

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