«Nous avons tout fait dans les règles de l’art. » Les mots sont peut-être mal pesés. Comme sept autres prévenus, Samuel Duran, 44 ans, est en effet jugé depuis lundi dans le cadre d’un… trafic d’objets et de meubles d’art contemporain. Il était renvoyé devant les juges pour association de malfaiteurs, escroquerie, contrefaçons et recel de contrefaçons en bande organisée.
Son père, Christian Duran, aurait en effet mis en place un commerce illicite de meubles et de sculptures des artistes décédés Alexandre Noll, Charlotte Perriand et Jean Prouvé, en faisant réaliser des reproductions de ceux-ci par un ébéniste ukrainien, Dmytro Bedyak, et en les mettant à la vente. La justice soupçonne la veuve, la fille et le fils de Christian Duran d’avoir repris cette activité lucrative à son décès, en 2006.
Transformant ce qui était « des éléments à charge » dans l’ordonnance de renvoi en « preuves » à l’audience, le premier vice-procureur Pierre Bellet a requis la veille des peines de un an avec sursis contre la veuve, Michèle, trois ans avec sursis et 100 000 euros d’amende contre la fille, Géraldine, avocate bordelaise, et trois ans dont trente mois avec sursis et 100 000 euros d’amende contre le fils, le plus impliqué dans la commercialisation des objets. Il a demandé un an de prison avec sursis contre l’ouvrier ukrainien.
Sans surprise, la majorité des avocats de la défense relisent le dossier dans le sens d’une relaxe. Une chose est claire pour Me Benoît Ducos-Ader : c’est l’opacité des poursuites. Il défend la veuve Duran. Transparente, perdue dans l’ombre de son mari, fantôme vivant recluse dans un château invendable et qui n’avait pas son mot à dire quand elle recevait des meubles en cadeau ou en dépôt, c’était selon. « Plus de la moitié des meubles ou objets Art déco ou design des années 1950 seraient des faux, comment pouvait-elle savoir ? »
Le tribunal se retrouve depuis lundi le témoin malgré lui d’un véritable « séisme familial », selon les termes de Me Sylvie Reulet, qui défend Samuel Duran. « Sa sœur était la petite princesse, et lui le vilain petit canard. » C’est Géraldine Duran-Blondel qui a fait de brillantes études de droit, son frère se serait réfugié derrière son savoir. Il pensait faire de la réédition des œuvres d’Alexandre Noll, dont la fille Odile, désormais placée sous tutelle, était seule détentrice des droits. On ne saura jamais si sa confiance a été abusée ou si c’est en conscience que l’octogénaire a signé des certificats d’authenticité pour des objets fabriqués par Dmytro Bedyak.
S’engouffrant dans la brèche à la suite de son père, Samuel Duran aurait pensé avoir un blanc-seing. « La seule volonté du titulaire des droits fait tomber le côté illicite de l’objet contrefait », souligne encore Me Sylvie Reulet.
Me Géraldine Duran-Blondel est indéniablement une forte personnalité. Explosive, brillante, jalousée, haïe jusque dans sa profession. « Les poursuites à son encontre, c’est un peu le syndrome de la tête qui dépasse », déplore Me Jean Gonthier, un de ses avocats. Il fustige « une procédure indigente » et cherche toujours qui sont les victimes prétendument trompées par les escrocs présumés.
Car le dossier recèle aussi des objets authentiques. « Christian Duran a gâté sa fille, il lui a offert des dizaines de meubles et d’objets d’art, souligne Me Édouard Martial, qui défend également sa consœur. Elle ne savait pas faire la différence. On ne demande pas les factures des cadeaux qu’on reçoit. »
Le tribunal s’est donné jusqu’au 4 décembre pour démêler le vrai du faux et rendre sa décision
http://www.sudouest.fr/2013/10/17/un-seisme-familial-dans-les-regles-de-l-art-1202085-2372.php
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