Les os étaient déposés dans ce réceptacle que l'on nomme extrados au creux d'une voûte de la nef de l'église Saint-Jacques, des os longs notamment et des crânes provenant de plusieurs corps. Des gravats, probablement issus d'un précédent chantier, recouvraient en partie ce macabre trésor. Pourquoi et depuis quand ces restes humains dominaient-ils les pénitents de Puylaroque, plusieurs mètres au-dessus du sol ? «Toutes les hypothèses sont possibles» admet Joëlle Cumin l'architecte montalbanaise maître d'œuvre des travaux en cours sur la toiture de l'église (1), «Ça fait parler et fantasmer». On en convient, l'affaire n'est pas ordinaire.
Six pieds sur terre
Faisons donc le point. Qui sait quoi sur cette affaire ? «Il s'agit d'une découverte récente réalisée à l'occasion du nettoyage des voûtes», explique Joëlle Cumin qui a alerté les services de la direction régionale des affaires culturelles (Drac), «c'est une découverte extrêmement rare. Je n'ai jamais rencontré ça». Ces restes humains ont été sortis de leur «cul de basse-fosse» et stockés sous la charpente du toit… en attendant. Mais ne comptez pas sur l'architecte pour, une fois n'est pas coutume, échafauder des plans : «soyons prudents», prévient-elle, «ce sont a priori des os anciens, datant du XVIe ou XVIIIe siècle». Voire un peu plus anciens… On ne s'attardera donc pas sur la cause de ces morts. Il y a prescription. Mais sur celle de leur improbable sépulture, un peu plus.Des os longs, des crânes… Des adultes, des enfants
Les derniers travaux ayant pu conduire des hommes dans cet espace situé entre la nef et la toiture ne datent pas d'hier. Plusieurs dizaines d'années en tout cas. Ces hauteurs auxquelles on accède par un escalier à vis sont rarement fréquentées. Les os posés dans l'extrados de la voûte étaient rangés là de façon à être préservés dans la durée. Pas forcément cachés donc, mais à l'abri des regards passants. Laurent Sévègnes, l'archéologue de la Drac Midi Pyrénées qui s'est rendu sur place a réalisé un rapport pour acter la mise au jour de ces restes et veiller à leur traitement convenable. Sur le pourquoi du comment de «cette découverte unique en son genre», Laurent Sévègnes ne peut que supputer. Il écarte néanmoins la piste du rite religieux qui aurait pu motiver d'aussi étonnantes inhumations ou celle d'une dissimulation de cadavres pour d'autres raisons. Au sujet des ossements, «Il n'y a pas de connexion anatomique. Ces restes étaient en position secondaire», a observé le spécialiste. Ce qui sous entend un déplacement de ces restes humains et exclu toute décomposition in situ. «Ces os avaient été rangés avec un certain respect, a encore noté l'archéologue. On voit aussi qu'il y a eu un tri». Les os longs, les crânes… Il manque cependant beaucoup de pièces à ce funeste puzzle, notamment les petits os et les cotes. «L'hypothèse la plus probable, poursuit Laurent Sévègnes, est qu'on soit tombé sur de vieilles sépultures lors de travaux réalisés autour de l'église avant de les enfouir là ou l'on sait par souci de discrétion». Par commodité donc. À la lumière de cette mise au jour, l'archéologue de la Drac rappelle d'ailleurs l'obligation légale de déclarer toute découverte de cet ordre aux autoritésTravaux routiers, chantier d'électrification au début du siècle dernier… auraient donc pu exhumer un cimetière du moyen âge abandonné, comme ce fut souvent le cas au détour de l'époque moderne (post XVIIe siècle). Cela les archives municipales doivent le savoir par le biais du recrutement paroissial de l'époque. Mais à Puylaroque, le maire ne se sent pas vraiment concerné. Il a entendu parler de l'affaire, «bien sûr», évoque même une découverte du même ordre en 1983 sans être en mesure d'en dire plus…
Un cercueil, 500 ans plus tard
L'église Saint -Jacques de Puylaroque, classée a l'inventaire des monuments historiques français est postérieure au moyen âge même si ses fondations datent du XIIe siècle. Le site a vécu la croisade des Albigeois, les guerres de religion, et probablement encore d'autres épisodes fameux. Cette découverte est encore une autre histoire.À Puylaroque, Laurent Sévègnes a préconisé que les os prélevés soient traités «avec égards et respect, et réunis au cimetière communal». Un cercueil devrait recueillir ces restes et un curé devrait être requis pour bénir ces reliques avant leur remise en terre…
500 ans plus tard, ces mystérieux défunts vont enfin retrouver une sépulture plus conforme aux conventions modernes, et à celles de leur époque supposée… quelque part entre Henri IV et Robespierre, entre la pacification et la terreur.
(1) La maîtrise d'ouvrage de ces travaux de réfection de la toiture de l'église de Puylaroque a été confiée à la Sematec.
http://www.ladepeche.fr/article/2014/04/02/1854019-une-sacree-decouverte-a-puylaroque.html
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