Enzo venait d'entamer sa deuxième année de pratique au Moto-Club de Saint-Cybranet. Avec d'autres enfants, il bénéficiait de l'encadrement de Laurent Mabru, titulaire d'un brevet d'État, un ami de la famille. « Je vais moi-même donner un coup de main là-bas, encadrer les jeunes, et je continuerai à le faire. Car Enzo l'aurait souhaité, raconte le père. Il avait toutes les protections. Des sports dangereux, il y en a beaucoup. Enzo aimait tellement ça. C'est un accident. »
« Papa, je vais mourir »
Samedi, 11 h 50. Jérôme voit son fils passer devant lui, rapidement, accompagné d'un « bruit de moteur qui s'emballait, comme si l'accélérateur était resté bloqué. » Après sa chute, le petit est conscient et veut se relever. « On lui explique de rester tranquille, il disait qu'il avait chaud. Sur place, parmi les parents, il y avait un pompier. On lui a enlevé son casque, il avait une bosse sur le front, rien de plus. Je n'imaginais pas que mon fils allait bientôt mourir. »Les pompiers et le Smur arrivent et le transportent à l'hôpital de Sarlat. Élodie, la mère, sort juste de son travail. Jérôme part avec son fils pendant qu'une amie s'occupe de Mathéo, le petit frère d'Enzo, présent sur les lieux. « Sur la route, à un instant, il a repoussé la main du médecin et m'a réclamé un câlin. Il m'a dit : ‘‘Papa, je vais mourir''. Peut-être qu'il sentait quelque chose. Enzo est dur au mal, pas le genre à se plaindre, il était très fort. »
Des parents sans révolte
À l'hôpital, avant un premier scanner, Jérôme croise un chirurgien : « Comme Enzo était conscient, il me racontait qu'il ne fallait pas s'inquiéter. Il a fallu faire un deuxième scanner parce qu'Enzo bougeait trop. Mais alors que j'étais auprès de lui, il a vomi du sang. Beaucoup de sang. »La décision de l'héliporter vers Périgueux est prise. « Puis, je ne sais pourquoi, on nous a dit qu'il irait à l'hôpital Pellegrin à Bordeaux. » Élodie veut monter dans l'appareil avec son fils, on le lui interdit. « Elle n'était pas assurée. C'était dur à accepter. Dans ces cas-là, tout parent désire être auprès de son enfant », insiste Jérôme.
Il est environ 15 h 30. Les parents d'Enzo rentrent chez eux, route du Bugue, à Sarlat. Élodie fait le sac de son fils. « Il avait précisé ce qu'il voulait que je prenne », glisse-t-elle dignement, en retenant ses larmes. 16 heures : Enzo et les médecins passent dans le ciel, au-dessus de la maison. « On était surpris, on pensait qu'ils avaient déjà décollé, commente Jérôme. L'accident a eu lieu à 11 h 50. Ce n'est qu'à 16 heures qu'il partait pour Bordeaux. » La remarque est lancée sans révolte. Comme s'ils n'avaient plus d'énergie pour ça. « On prend des cachets pour dormir, obligés », lâche le papa.
« Je voulais l'embrasser »
Peu après 17 h 30, alors que son épouse roule pour rejoindre son fils, Jérôme appelle l'hôpital Pellegrin. « Une femme me dit qu'elle n'a personne à ce nom, qu'elle n'a entendu aucun hélicoptère. Puis, elle me passe quelqu'un dont la voix se faisait de plus en plus douce : ‘‘Monsieur, l'hélicoptère s'est posé à Sainte-Foy-la-Grande, au bord de la route. Son petit cœur s'est arrêté de battre. Il n'a pu être réanimé.” »Jérôme a voulu prévenir sa femme. Il n'a pas pu. « J'arrivais à Bordeaux et j'ai appelé l'hôpital, raconte la maman. C'est comme ça que je l'ai appris. On m'a précisé que le problème venait de l'aorte, qu'il s'agissait sans doute d'une hémorragie interne. Là-bas, une infirmière s'est occupée de moi. Puis j'ai repris la route pour le funérarium de Pineuilh, car je voulais l'embrasser. Il était beau, souriant. Au moins, il n'a pas souffert. » « Oui, il n'a pas souffert, répète Jérôme, qui réalise le vide. Je comprends que ça n'arrive pas qu'aux autres. Mais il faut continuer à vivre pour Enzo. »
Ceux qui restent
En attendant, mercredi matin, le petit frère d'Enzo, Mathéo, 5 ans et désireux de faire aussi de la moto, n'est pas allé à son école de Saint-André-d'Allas. Il n'avait pas envie non plus d'aller au foot l'après-midi. Attablé dans le salon, il a quand même goûté devant la photo géante de ce frère qu'il aimait tant et sous les caresses protectrices de sa mère qui doit y puiser la force de rester debout. « Ils chahutaient parfois, bien sûr, mais ils étaient très proches, affirme-t-elle. Enzo s'occupait beaucoup de son petit frère. »Mathéo a voulu assister à l'enterrement, mardi après-midi à Sarlat, dans une cathédrale Saint-Sacerdos devenue trop petite pour un tel drame. « Voir tout ce monde, ça fait chaud au cœur. Enzo était aimé de tous. Quand il faisait quelque chose, il se donnait à fond, insiste son père, admiratif. Et il était bon élève. » Jérôme, reconnaissant, distribue les remerciements, et souligne le rôle de Mme Mabru, l'épouse du moniteur, « notre mère pendant deux jours », aux petits soins avec eux comme avec leurs proches.
Il donne rendez-vous pour un nouvel hommage, dimanche 5 octobre, à Campagnac-les-Quercy, à l'occasion d'un motocross. Ce jour-là, son moniteur Laurent Mabru portera le dossard fétiche d'Enzo, le n° 9, pendant que son fils Corentin distribuera des autocollants portant la photo du garçonnet et quelques mots de réconfort. Il y ajoutera un dessin : les ailes d'un ange.
http://www.sudouest.fr/2014/09/25/c-est-un-accident-1682811-1980.php
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