vendredi 6 novembre 2015

«Je ne veux pas que mon fils Clément soit mort pour rien»

Le 6 octobre, à Toulouse, Clément Grassignoux a perdu la vie en chutant d'un scooter. Sa mère témoigne. Pour parler de son fils mais aussi de l'avenir. Pour elle, ce drame ne devra jamais se résumer à un accident mortel de plus.
Une maison à Montastruc où la joie s'est envolée. Soutenue par son mari et le grand-père de son fils, une mère, meurtrie par la perte d'un enfant qui aurait eu 21 ans le 20 décembre, s'exprime. Une parole sans complaisance qui pose des questions, veut trouver des réponses, et surtout des solutions, aux comportements excessifs des jeunes adultes.
Comment avez-vous affronté l'annonce de la mort de votre fils ?
Pascale Cheny Diaz : Comme j'ai pu. C'était un peu la triple peine. D'abord quand les gendarmes débarquent à 2 h 30, en pleine nuit, on ne veut pas y croire, on rejette. Après arrive le passage au commissariat central où, parce que l'enquête commence, la police donne peu d'informations. Puis on découvre l'article dans la presse avec ses détails sanglants. On ne comprend pas. On affronte dix versions différentes… C'est brutal, très violent.
Même si c'est violent, il faut raconter ces drames.
Peut-être mais le garçon qui est mort sur la chaussée à cause d'une hémorragie, ce n'est pas un anonyme, c'est mon fils. Mon fils ressemblait à tous les jeunes de 20 ans. Ce n'était ni un délinquant, ni un Fangio. Juste un gamin qui aimait la vie, la fête, ses copains. Et moi j'étais sa mère. Je l'aimais, je lui disais de faire attention et il répondait, avec un sourire : «T'inquiète pas, je gère…»
Savez-vous ce qui s'est passé ce soir-là ?
Il a commencé la soirée au restaurant dans Toulouse avec des copains, puis ils sont passés dans un bar, à Saint-Pierre. Ils m'ont dit qu'ils avaient partagé une bouteille de vin, bu une bière que Clément n'a pas finie. Après, ils se sont retrouvés chez un ami. Ils n'avaient plus de cigarettes. L'ami qui lui a prêté le scooter, et que je connais depuis plus de dix ans, m'affirme que Clément avait l'air en pleine forme quand il a pris la clef.
Pourtant il avait bu, beaucoup.
Quand ? Je ne sais pas. Ses amis, qui ont été très chouettes avec nous, se protègent peut-être un peu. Ce n'est facile pour personne.
Qui était Clément Grassignoux ?
Un garçon de 20 ans qui croquait la vie avec une copine, un bon groupe de copains et qui, après des études compliquées parce qu'il ne se sentait pas bien au collège puis au lycée, a fait un choix en première. Il est revenu en me disant : je vais me lancer dans la cuisine.
Avait-il trouvé sa voie ?
Il adorait. Il a travaillé comme un fou pour obtenir son CAP, bossant 55 heures par semaine pour 500 € dans un restaurant. Trop sans doute. Après son diplôme, il a voulu s'offrir un break. Il en avait besoin. Il en a bien profité cet été au Portugal, en Espagne. Tant mieux, Le lendemain du drame, il avait rendez-vous pour intégrer la cuisine d'un bon restaurant de Toulouse. L'entretien était prévu une semaine plus tôt mais a été déplacé. Sans ce changement, qui sait… S'il n'avait pas pris le scooter qui sait… S'il n'avait pas bu…
Êtes-vous en colère ?
Je suis ravagée par la peine et je ne veux pas que mon fils soit mort pour rien !
Que voulez-vous dire ?
En rangeant sa chambre avec sa sœur, je suis tombé sur un cours de SVT, sciences et vie de la terre, sur les dangers de la drogue, de l'alcool. Le job, les profs le font et le font bien. La prévention existe. Pourtant, est-ce que les comportements changent ? Je me suis retrouvée un soir, par hasard, place Saint-Pierre. Ce que j'ai vu m'a effrayée. Nous avons tous eu 20 ans, nous avons tous bu, nous nous sommes tous mis en danger mais là, les gosses vont loin, très et trop loin. Je pense que la complaisance des adultes sur l'alcool, parfois même sur les drogues, constitue une erreur.
Comment agir ?
Je n'ai pas encore choisi. Quand vous êtes confronté à la mort de votre fils de 20 ans, vous êtes plongé dans un profond désarroi, un terrible sentiment d'impuissance mais je refuse de rester les bras croisés. Je ne veux pas que la mort de Clément reste une terrible peine pour nous tous et juste un accident mortel de plus pour les autres. J'ai l'ambition de rebondir, d'utiliser ce drame pour aider.
Comment ?
Il faut trouver un chemin. Ce n'est pas simple. Je ne me crois pas plus maline que les autres mais je parle, j'échange, j'écoute. Des associations existent par dizaine. Faut-il en créer une de plus ? Est-ce que l'adulte est le mieux placé pour parler du danger des comportements à des ados qui, forcément, le recherche un peu ? Je n'ai pas la réponse mais je suis en revanche convaincue d'une chose : ne rien faire, c'est consentir. Et ça, ce n'est pas possible !»

http://www.ladepeche.fr/article/2015/11/06/2212033-veux-fils-clement-soit-mort-rien.html

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