mercredi 3 août 2011

La galère d'un sauveteur blessé en éteignant un incendie

Difficile, la condition de sauveteur anonyme. Le 24 mai, un Rémois a lui-même éteint un violent feu de cuisine après avoir évacué le locataire qui commençait à étouffer. Blessé au pied, il ne peut toujours pas retravailler.
« C'est un bloc maudit. J'ai fait une demande pour partir d'ici. » Rémois de 46 ans, Abderrezzak Chetioui habite dans le quartier Croix-Rouge, au n°10 de la place Georges-Braque. Son voisin de palier est mort, tué le 13 juillet lors d'une rixe. Le lendemain, une gazinière a pris feu à l'étage du dessus ; quatre jours plus tard, un canapé à l'étage du dessous.
Il y eut aussi un violent feu de friteuse au troisième étage, le 24 mai dernier. Abderrezzak n'est pas près de l'oublier. C'est lui-même qui a évacué le locataire puis éteint l'incendie. Il s'en est sorti avec des blessures aux jambes qui le handicapent toujours aujourd'hui.

« Chalumeau géant »

Ce 24 mai, vers 23 h 30, M.Chetioui se trouvait chez lui lorsqu'il a « senti le feu ». « J'ai appelé les pompiers, puis j'ai vu des flammes qui sortaient d'une fenêtre au troisième étage. J'y suis allé, en pantoufles et pyjama. J'ai ouvert la porte. Le locataire était dans le couloir. Il commençait à étouffer. Je l'ai fait sortir. J'ai vu qu'il y avait un feu énorme dans la cuisine, avec des flammes de 1 m 20-1 m 30 qui sortaient de la friteuse. C'était comme un chalumeau géant. Les meubles au-dessus prenaient feu. J'avais peur que ça se communique à l'immeuble. »
« Il y avait beaucoup de fumée. J'ai coupé mon souffle, j'ai pris une couette sur un séchoir et j'ai tapé sur les meubles et la friteuse, mais la couette s'est enflammée. J'ai pris une grande serviette, je l'ai enroulée et j'ai encore tapé sur la friteuse, une fois, deux fois. Le feu commençait à rétrécir. La troisième fois, la friteuse est tombée en répandant de l'huile partout. J'ai été brûlé au bas des jambes. Des choses sont également tombées du meuble, notamment un objet lourd que j'ai reçu sur le pied gauche, mais sur l'instant, ça ne m'a rien fait. Je suis allé chercher un drap. J'ai dû éteindre par terre car il y avait des flammes à cause de l'huile, puis j'ai pris la friteuse avec le drap pour la jeter par la fenêtre. Heureusement qu'il n'y avait personne en bas. Sur le coup, je n'y ai pas pensé. »
Tout danger était écarté. « C'est seulement là que j'ai senti la douleur au pied. Il avait gonflé. Je n'arrivais plus à me tenir debout. Je me suis assis sur les escaliers. Les pompiers sont arrivés au même moment. »

Brûlures au 2e degré

Evacué dans un brancard, M.Chetioui fut admis pour la nuit au CHU où les médecins ont diagnostiqué des « brûlures du 1er et 2e degré » sur le pied et au tibia.
Deux mois après, il n'est toujours pas rétabli. « Je suis chauffagiste en intérim. J'avais des offres de mission pour cet été mais j'ai dû les refuser. C'est un métier où on est toujours accroupi. Il faut prendre appui sur le pied. Le mien est encore gonflé. Je ne peux pas le plier. En plus, tel qu'il est, c'est impossible de mettre des chaussures de sécurité. » Abderrezzak attend des jours meilleurs, sans rien regretter. « Si c'était à refaire, je le referais. C'est ma nature. Si je vois quelqu'un en danger et que j'estime avoir les capacités suffisantes pour l'aider, je fonce. »
Il y a une quinzaine d'années, ce père de deux enfants avait déjà sauvé une personne de la noyade en plongeant dans la Méditerranée. « C'était ma sœur. Je n'avais pas attendu les secours. Elle serait morte sinon. »

http://www.lunion.presse.fr/article/marne/la-galere-dun-sauveteur-blesse-en-eteignant-un-incendie

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