dimanche 30 octobre 2011

Deux ans de prison ferme pour un « tyran domestique »

Capable d'ingurgiter six litres de bière par jour, Philippe est un gentil garçon. Mais quand il est soûl - c'est-à-dire très souvent - il bat sa femme et les enfants de celle-ci.

CURIEUX procès que celui de Philippe D… (1), 32 ans, qui s'est déroulé au tribunal correctionnel. Face à sa femme et ses deux enfants, bouleversés tout autant par l'évocation de leur calvaire, lors de l'instruction menée par la présidente Jennyfer Picoury, que par le fait d'entendre, à l'issue des délibérations, le jugement condamnant leur mari et beau-père à une lourde peine.
Une situation pourtant pas si rare que cela, dans les affaires de violences, car lorsque l'auteur des maltraitances reprochées apparaît dans le box, tout penaud après un premier petit séjour en cellule, il n'a évidemment plus rien à voir avec la brute avinée qu'il avait été quelques jours plus tôt. Ce qui fait que ce sont, dès lors, les victimes qui culpabilisent de le retrouver en cette enceinte. Presqu'au point d'en regretter d'avoir déposé plainte, en se disant que le tourmenteur, lorsqu'il est à sang-froid, n'est au fond pas si méchant…
C'est, ainsi, ce qui s'est passé, jeudi après-midi. Du coup, Me Michel Droit, qui aurait dû, en principe, exprimer les souffrances de l'épouse et de ses enfants battus a modifié, in extremis, sa plaidoirie, la dame, assise à ses côtés sur le banc des parties civiles, lui ayant soufflé à l'oreille que non, décidément, à voir son mari ainsi, elle ne pouvait se résoudre à demander le divorce - cause pourtant des dernières violences en date - sans lui avoir offert encore une ultime chance… ne réclamant d'ailleurs même pas de dommages et intérêts pour elle et ses enfants, sinon l'euro symbolique !
Malheureusement, dans ce genre d'histoire, surtout quand le prévenu est en récidive, susceptible d'encourir dix ans de prison et, au minimum, deux ans de peine plancher, la justice n'a que faire des états d'âme de dernière minute et elle s'en tient aux faits, dans toute leur gravité.

Alcooliques et détraqués
Or, en la circonstance, ils étaient parfaitement constitués, puisqu'après avoir essuyé une ultime raclée, le 30 septembre dernier, la dame était allée se réfugier chez les policiers, expliquant avoir déjà reçu des coups les jours précédents, ajoutant, pour faire bonne mesure, que son fils et sa fille, tous deux adolescents, avaient également été battus à plusieurs reprises, notamment courant juillet dernier, en voulant s'interposer, lors de « valses » précédentes.
Il n'en fallait donc pas plus pour que Philippe D… fut présenté à une audience de comparution immédiate. Mais, ayant sollicité un délai pour préparer sa défense, ce n'est donc que ce jeudi, que Me Francis Pierroux a pu tenter de le tirer d'affaire. L'avocat a expliqué que son client avait lui-même connu le pire, dans son enfance, avec des parents alcooliques et légèrement détraqués, son père ayant d'ailleurs failli le tuer d'un coup de couteau un jour de grosse cuite. Et que ceci expliquait donc probablement cela, selon un schéma bien connu, qui veut que les enfants battus deviennent à leur tour des bourreaux.
Ce n'est pas le mot qu'a employé le substitut, qui a toutefois retenu la formule de « tyran domestique », pour qualifier le comportement d'un homme qui avait reconnu, lors de sa garde à vue, être capable de boire six litres de bière par jour, sans préjudice d'autres produits, tels que whisky, vodka, etc. Bref, un alcoolique chronique qui, pour ne rien arranger, ne travaille plus depuis huit ans, les psychiatres le considérant, par ailleurs, comme « un grand impulsif, incapable de se maîtriser quand il a bu… »
En conséquence, en raison des risques de réitération et pour laisser les victimes se reconstruire, tandis qu'il aura tout le temps de réfléchir et d'entamer des soins pour se guérir de son addiction, les juges ont condamné Philippe D… à trois ans de prison dont un avec sursis, l'envoyant ainsi, séance tenante, pour deux ans ferme en prison. A la sortie de laquelle il demeurera mis à l'épreuve pendant encore trois ans, avec obligation de continuer son sevrage et de chercher un travail.
http://www.lunion.presse.fr/article/ardennes/deux-ans-de-prison-ferme-pour-un-tyran-domestique

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