Pendant des mois, ce chef d'équipe avait tenu des propos largement déplacés à quatre de ses employées. Jugé coupable de harcèlement sexuel, il a été condamné, hier après-midi, à sept mois de prison avec sursis.
LA présidente du tribunal soupire en secouant la tête. Puis, puisqu'elle n'a pas le choix, entame d'une voix monocorde la lecture du procès-verbal de synthèse : « Le 26 septembre 2009, vous arrivez derrière elle et vous lui léchez le cou. Le 24 octobre, vous lui dites : ''A genoux et suce'' […] Puis vous fixez un rendez-vous sous le pont de l'autoroute afin ''de leur faire l'amour en guise de remerciements''». S'ensuit une harassante compilation de vulgarités - « T'es gaulé comme une Chinoise, ta chute de reins me rend fou, tu as de trop beaux nichons » - et de propos déplacés - « Lorsqu'elle se baisse, vous lui dites : ''Reste comme ça, je vais te prendre par derrière''». Dix minutes pour condenser neuf mois du « calvaire quotidien » décrit par Sabrina, alors employée par Vistéon et victime de Thierry Perazza, son chef de service. Au début, elle encaisse. Jusqu'à éclater un jour en sanglots dans le vestiaire de l'entreprise devant trois collègues… lesquelles rapportent des faits de harcèlement similaires.
M. Perazza a depuis été licencié par l'équipementier automobile. Sabrina, en arrêt maladie depuis février 2010, se retrouve désormais au chômage. Avant son départ de l'entreprise, l'affaire s'était ébruitée dans les couloirs de Vistéon, ajoutant à l'humiliation initiale quolibets et moqueries d'autres collègues. « Une souffrance corollaire majorée par la publicité donnée à cette affaire. Elle a peur de ne pas être reconnue comme victime », résumera un expert.
Pour ne pas perdre leur emploi, les autres victimes n'ont pas osé porter plainte. Hier, elles ont souhaité apporter leur soutien à Sabrina, seule plaignante à s'être constituée partie civile. Jusqu'à croiser le regard de M. Perazza dans la salle des pas perdus, peu avant l'audience. Encore traumatisées, elles sont retournées à leur voiture en attendant le moment du délibéré.
Ce recul leur aura sans doute au moins permis de s'épargner quelques nausées en entendant la défense du prévenu. Si ce dernier a, une nouvelle fois, reconnu l'intégralité des propos rapportés, il a assuré sans rire : « L'ambiance était très collégiale dans le service. C'était de la ''déconnade''. Et ce n'est pas toujours moi qui lançais ce genre de discussions (très crues, ndlr). Le bisou dans le cou ? Un geste de sympathie […] Les avances sexuelles ? Oh mais elles savaient bien que j'étais pas méchant… »
Du bout des lèvres, il admet bien « un manque de réflexion, de recul ». Raconte l'absence de rapports sexuels « depuis dix ans » avec son épouse.
L'incapacité manifeste du prévenu à remettre en question son comportement finit par exaspérer la présidente qui l'interrompt, glaciale : « Vous avez une formation en management, dites-vous. Mais alors, on ne vous a jamais dit que des propos comme ''Suce-moi la bite'', n'étaient pas très appropriés vis-à-vis d'un employé ? ». « Je n'ai jamais voulu nuire », couine l'homme à la barre.
Invitée à s'exprimer, Sabrina crache sa frustration : « Combien de fois j'ai été le voir en pleurant pour demander d'arrêter ? Il a été trop loin ! Là, il vous parle d'ambiance familiale ! Plutôt incestueuse, votre famille ! », lâche-t-elle en direction du prévenu. « Adressez-vous au tribunal », recadre doucement la présidente.
L'huissier tend discrètement un mouchoir à la plaignante. Celle-ci sanglote : « Mais on nous l'avait souvent répété chez Vistéon : ''Vous n'êtes pas là pour penser, vous êtes là pour produire et surtout vous taire''!».
Chargé de défendre Sabrina, Me Ahmed Ahrir axe d'abord sa plaidoirie sur « l'arrogance inouïe » de cet homme sans antécédent judiciaire qui a « littéralement broyé quatre femmes ». Face au regard noir de M. Perazza, l'avocat, fait rarissime, finit par s'adresser au prévenu : « Oh et ne me regardez pas comme ça, c'est insupportable ! ». En outre, l'avocat ne manque pas de regretter « l'absence de Vistéon en qualité de prévenu ».
Dans la foulée, la substitut du procureur ironise : « Au vu du slogan de Vistéon, on peut comprendre que (Sabrina) ait hésité à porter plainte ». Et, après avoir fustigé « tous ces propos qui font froid dans le dos », requiert quatre mois de prison avec sursis contre M. Perazza.
Depuis le début de l'audience, Patrick Manil se préparait à un numéro d'équilibriste. En roublard des prétoires, l'avocat de la défense l'admet vite : « D'accord, les propos de mon client, c'est pas du Flaubert ! ». Puis tente d'instaurer le doute : « Attendez, si quelqu'un vient m'embrasser dans le cou par surprise, je lui en retourne une ! » « Et je me fais virer ? », explose, furieuse, Sabrina. S'appuyant sur la « candeur désarmante » d'un client « puéril et immature », Me Masnil nie le caractère intentionnel du délit… et demande la relaxe.
Un quart d'heure plus tard, l'ancien chef de service est déclaré coupable de harcèlement sexuel. Condamné à sept mois de prison avec sursis, il devra également indemniser Sabrina, qui, aux enquêteurs, avait confié : « Lorsque j'allais travailler, j'avais l'impression de me prostituer ».
http://www.lunion.presse.fr/article/ardennes/lex-contremaitre-avait-les-mains-baladeuses
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