Il est de fer blanc et fait triple couchage. Linda montre avec fierté son dernier achat : un lit superposé à l'armature imposante. Il est là, calé entre la porte d'entrée et un placard qui ne ferme plus à cause de l'humidité. Il est là, dans un coin mais envahit toute la pièce, l'unique pièce. Linda, mère célibataire de 28 ans vit avec ses trois enfants de 3, 4 et 6 ans dans un immeuble de la rue Léon, dans le 18e arrondissement de Paris. La surface de son appartement ? 25 mètres carrés officiellement, 17 en réalité, le tout loué 700 euros et des poussières. Exorbitant, a fortiori pour cette femme qui vivote d'heures de ménage et de repassage avec l'aide des allocations familiales. Elle est l'une de ces 3,6 millions de personnes non ou très mal-logées en France, selon le rapport annuel de la fondation Abbé Pierre rendu public ce mercredi.
Dans le studio de Linda et de ses bambins, il y a une cuisine, deux frigos, une armoire, une petite télévision et une table basse en guise de "salon", un clic-clac pour la "chambre" de la mère, une commode et le lit. C'est là où dorment Jeannette, Christa et Nathan le petit dernier. La journée, chaque matelas trouve une nouvelle utilité : "chambre des petits", étagère pour poser le linge, les papiers administratifs... La promiscuité sème souvent la zizanie. Dès que les enfants rentrent de l'école, il n'y a plus de place. "Maintenant, la plus grande qui va parfois jouer chez des copines me demande en rentrant pourquoi chez nous c'est si petit...", raconte Linda. A 21 heures, extinction des feux pour tout le monde, Linda compris. "Il faut qu'ils puissent dormir dans le silence et la pénombre", explique-t-elle encore.
Un cas prioritaire depuis un an et demi
Outre sa petitesse, le logement est en piteux état. Le mur derrière le canapé se décolle à cause du froid, la fenêtre unique ferme mal et laisse passer les courants d'air, glacial en ce moment. L'an dernier, le chauffe-eau s'est décroché, tombant sur une amie de Linda. La salle d'eau n'est pas mieux. Pourri à la suite d'un dégât des eaux, le plafond est en train de tomber. Bout de peinture par bout de peinture. Certains pans du mur sont recouverts de moisi, les fissures réparées au gros Scotch.
Linda vit là depuis 2007. Bouchant un courant d'air avec un bout de tissu ici, recollant un pan du mur là entre deux coups d'aérosols sur un cafard sortant d'un trou. Pourtant, la jeune femme au port de tête altier et aux grands yeux brillants, raconte sa galère sans trop se plaindre. Elle en a vu d'autres. Le parcours de cette Africaine ayant récemment obtenu ses papiers est chaotique et compliqué. Orpheline de père et de mère, elle fuit l'Angola et sa guerre civile en 2002. "Viens, je t'emmène, tu n'es pas en sécurité ici", lui dit un oncle. Elle atterrit à Paris mais cela aurait pu être ailleurs et elle ne pensait pas rester. Le provisoire dure depuis plus de onze ans maintenant. Elle vit quelque temps à Toulouse, puis en région parisienne. Se fait des amis lusophones comme elle. Tombe amoureuse, puis enceinte. Pendant trois ans, elle vit dans des chambres d'hôtels miteux.
Régulièrement, Linda fait une demande pour obtenir un logement plus grand. Aujourd'hui, elle est sur la liste "des prioritaires". Cela fait un an et demi. "La mairie me répond qu'il n'y a rien de disponible", répond la jeune femme balayant la pièce d'un regard las. Quand elle était en Angola, les copains de Linda rêvaient de venir vivre en France "où tout le monde est heureux". Pas elle. Elle voulait devenir une "bonne couturière" et trouver un "bon mari". Et aujourd'hui ? "Avec trois enfants, on a moins de rêve, estime-t-elle. Je souhaite seulement continuer à travailler le plus possible et avoir un plus grand espace pour eux". Elle s'arrête. "Qu'ils aient au moins une chambre", glisse-t-elle en regardant le grand lit blanc.
http://lci.tf1.fr/france/societe/linda-trois-enfants-un-lit-superpose-le-tout-dans-17m2-6963385.html
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