Mardi, trois Estoniens ont été condamnés à trois ans de prison ferme pour escroquerie en bande organisée. De passage à Reims fin 2010, ils avaient réglé plus de 30 000 euros d'achats au moyen de cartes bancaires falsifiées.
ILS s'avancent sagement à la barre du tribunal correctionnel de Reims. Sten Ehasalu, 22 ans, polo blanc à col rayé bleu, traits réguliers et courte brosse, est le premier à se montrer repentant. Il reconnaît les faits sans se faire prier à la manière d'un enfant pris la main dans le pot de confiture.
Le second, Mario Mavrinski, bientôt 22 ans, fait bonne figure avec ses cheveux ras, son visage pâle, son air poupin et son blouson blanc. Il avoue lui aussi sa participation à l'escroquerie aux fausses cartes bancaires, avec un faux air de ne pas y toucher. Comme s'il était victime d'un mauvais concours de circonstance.
« Pour voir la Tour Eiffel »
Le troisième acolyte est un grand gars sec de 23 ans au crâne rasé et bombé en forme d'obus. Ivar Voorel, barbiche blonde broussailleuse à la manière d'un vieux sage du pays du soleil levant, est l'intello du groupe en quelque sorte. Designer de formation, c'est lui l'expert en informatique, la pièce maîtresse de l'arnaque. À les écouter, tous trois ont fait le voyage depuis l'Estonie jusqu'à Paris pour faire du simple tourisme en plein mois de décembre. « Pour voir la Tour Eiffel », soutient Sten, et aller à Disneyland. C'est au profit d'un détour par le Pays de Mickey que les compères piquent sur Reims. Pas pour visiter sa cathédrale mais pour y faire du shopping.
L'encodeuse au coffre-fort
Le trio dépense sans compter pour l'achat d'une Play Station, de jeux vidéo, de vêtements, d'une chaîne en or ou encore pour se restaurer. Ils font « chauffer la carte » ou plutôt les cartes. Car ils en possèdent au moins sept. Si l'une ne fonctionne pas, ils tentent leur chance avec une deuxième et ainsi de suite. C'est ainsi qu'un hôtelier de la place et un restaurateur voisin repèrent le petit manège de ces drôles de clients capable de sortir plusieurs cartes bancaires de leur chapeau, non sans afficher un air gêné presque coupable.
Les policiers du SRPJ de Reims ne tardent pas à retracer l'hôtel de bonne facture où séjournent les aigrefins. L'encodeuse de cartes bancaires est gardée bien au chaud dans le coffre-fort de la chambre d'Ivar. C'est auprès de lui encore que les enquêteurs retrouvent tout le toutim, utile à la falsification. Les cartes bancaires, dépourvues de puce et frappées de la mention « Telemark », sont suspectes en apparence. Par contre, elles fonctionnent grâce à de vraies coordonnées bancaires piratées qu'Ivar a pris soin de réencoder. En l'occurrence, le SRPJ de Reims établit qu'elles ont été copiées à partir de cartes de paiement américaines ou encore coréennes. Le préjudice du Groupement d'Intérêt Économique (GIE), système interbancaire qui gère les transactions par carte bancaire, s'établit à 30 101 euros. Sans compter les paiements infructueux qui s'élèvent à 64 211 euros.
Amitié carcérale
Le trio est arrivé d'Estonie courant novembre. Sten, le leader du groupe, franchit la frontière en voiture avec l'indispensable Ivar. Passage par Nancy puis direction Paris. Mario les rejoint par avion, tous frais payés par l'ami Sten. Les deux hommes ont fait connaissance en prison où ils ont longuement séjourné après plusieurs condamnations pour des vols, parfois aggravés. En France, Ivar récupère la panoplie du parfait escroc à la carte bancaire auprès d'un mystérieux Lorenzo. Il y a là un ordinateur, un disque dur externe, des supports magnétiques, de fausses cartes bancaires et surtout le fameux lecteur-encodeur de cartes bancaires.
Fort de tous ces éléments, le procureur adjoint n'a pas la naïveté de croire « aux trois Estoniens en promenade en France qui auraient falsifié des cartes pour faire des économies sur leurs vacances ». Laurent de Caigny les imagine plutôt appartenir à « une organisation structurée dont ils ne sont ni les chefs ni les commanditaires ». Il pourrait s'agir d'un commando d'escrocs parmi d'autres venus ratisser quelques commerçants.
« Petites mains d'un système »
Entre deux achats à la Fnac, chez Celio, Lacoste, Games ou encore Kiabi, l'un d'eux s'est présenté au guichet de la Banque Postale de la place d'Erlon. Il a tenté d'envoyer un mandat de 244 euros en Inde. « Ce sont les petites mains d'un système élaboré », résume sans l'ombre d'un doute Laurent de Caigny, avant de requérir trois ans de prison ferme à leur encontre.
Me Jean-Marc Repka a tenté d'atténuer la responsabilité d'Ivar, le technicien, arguant qu'il avait vécu « aux frais de la princesse » sans tirer un réel bénéfice de cette opération. Me Mercier a, elle aussi, tenté de redonner « sa mesure à ce dossier » estimant que le trio s'apparente à « des pieds nickelés ». Me Modeste M'Fenjou, avocat de Mario, s'est désolidarisé du binôme, assurant que son client était « un pantin que l'on tire par le bout du nez ». Les prévenus ont conclu en jurant qu'on ne les y reprendrait plus. Le tribunal n'a pas été convaincu, appliquant les réquisitions du parquet à la lettre.
http://www.lunion.presse.fr/article/marne/faux-touristes-vrais-escrocs
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