Homme robuste, blouson noir sur polo blanc, Vlash Shkodra est noué à la même thèse depuis le début de cette affaire : « Je ne l’ai jamais violentée, c’était un ange pour moi ». Donc, non, martèle-t-il, il ne l’a pas tuée.
Ce jour-là, il lui a donné un premier rendez-vous à un arrêt de bus. Mais, expulsé deux mois auparavant puis revenu clandestinement en France, l’ancien grutier ayant exercé le métier de docker pendant près d’une décennie, préfère un endroit plus discret pour parlementer avec Albana Tanushi, dont il a pris le nom de famille en 2007. L’idée, affirme-t-il, est de partir en Italie. Avec elle et ses deux enfants. Mais, parvenu dans le bâtiment désaffecté du quartier des Rêpes, à Vesoul, où la rencontre est prévue, il la découvre pendue. Et donne l’alerte en se rendant au commissariat.
Suicide ? « Le doute s’inscrit tout de suite dans mon esprit », se remémore un enquêteur. Motif principal : le système de nœuds particulièrement complexe qu’un policier compare à un appareillage usité en manutention. « C’est en le réalisant que j’ai compris à quoi il servait », explique-t-il, « permettant de suspendre un objet mais également de le hisser. »
Il y a aussi les traces de rouille, en provenance de la rambarde de l’immeuble abandonné, que l’on retrouve sur les vêtements de l’accusé et pas sur ceux de la victime.
Et ces marques sur le visage d’Albana. Qu’elle n’avait pas en partant de chez elle. Sa fille Klevina est formelle.
« J’ai peur pour mes enfants »
C’est en composant, depuis une cabine téléphonique au bas de l’immeuble, le numéro portable de l’adolescente, que Vlash Schkodra entre en contact avec la victime. Il est alors 16 h 38. Albana abandonne son repassage, sa tasse de café fumante, pour se rendre auprès d’un homme qu’elle craignait manifestement. Plusieurs témoins font état de pressions exercées sur la jeune femme alors âgée de 39 ans. Elle-même vient spontanément déclarer aux policiers, en août 2008, alors que Vlash Shkodra vient d’être expulsé en Albanie pour cause de faux contrat de travail, qu’il n’est pas son mari, qu’il l’a enlevée aux siens. Pour autant, elle se refuse à déposer plainte. « J’ai peur pour mes enfants », assure-t-elle. L’homme, expose un enquêteur, « inspire la crainte dans la communauté albanaise ».Qui est-il ? On le dit proche de la mafia, recherché par Interpol.
« Rien de tout ça », tente de dégoupiller son conseil, Me Pichoff. Vlash Shkodra, condamné dans son pays à un total de six ans de prison, jure qu’il a quitté l’Albanie avec Albana, c’était en 2004, soit six ans après leur rencontre, pour cause d’adultère. Coût, évalue l’intéressé, du voyage clandestin, via la Grèce, correspondant à la facture du passeur : 15 000 €.
A la barre, Muhamet, le mari de la victime, appuyé par les documents brandis par son avocat Randall Schwerdorffer, rappelle qu’il a déposé plainte en 2004 dans son pays pour l’enlèvement de sa femme et de ses enfants. « Il a profité de mon argent », affirme l’accusé. « Il a acheté Albana Tanuschi, a-t-il aussi acheté les enfants ? », s’enquiert Me Schwerdorffer. Vlash Schkodra se défait enfin de son ton monocorde, désormais « détenu pp ». Particulièrement surveillé, et plus dangereux. Ce qui avait impliqué la présence du GIPN en première instance à Vesoul.
http://www.estrepublicain.fr/actualite/2013/02/05/accroche-a-la-version-du-suicide
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