Une affaire douloureuse et très ancienne, hier, devant le tribunal correctionnel de Pau. Celle de l’étrange mort de Shelly, une petite fille décédée une semaine après sa naissance, le 28 septembre 2001. L’enfant souffrait d’une anoxie cérébrale anténatale, une insuffisance d’oxygénation du cerveau apparue soudainement. Pour ses parents, Patricia Portier et Tino Severan, le responsable est le Syndicat intercommunal de collecte et de traitement des déchets (Sictom) du Haut-Béarn, qui exploitait la décharge de Précilhon dans laquelle ils vivaient avec leurs trois enfants. Un établissement public poursuivi pour « homicide involontaire par manquement à une règle de sécurité » et dont l’actuel président, Bernard Uthurry, le maire d’Oloron et conseiller général, s’est retrouvé sur le banc des prévenus, hier, en sa qualité de représentant légal depuis 2008.
Ils vivaient dans la décharge
De 1998 à 2003, Tino Severan a travaillé en CDD comme gardien de la déchetterie. Il habitait sur place, dans un « logement de fonction » rudimentaire : un chalet de 20 m² devant lequel il avait installé une caravane pour loger sa petite famille. « Un bâtiment dont le permis de construire indiquait qu’il devait accueillir un local sanitaire et non une habitation », souligne le président Marc Magnon. Malgré l’aspect sommaire des lieux, le couple ne se plaint pas. « On nous offrait un travail et un toit avec l’eau et l’électricité alors qu’on vivait dans un mobile-home installé dans des bois. On a forcément dit oui », confie Patricia Portier, en marge de l’audience.
Mais en août 2001, leur existence bascule. L’état de santé du bébé que porte la jeune femme se dégrade soudainement alors que le Sictom vient de faire installer un aérateur dans l’une des deux lagunes de récupération des jus des déchets (lixiviats). « Une forte odeur d’oeuf pourri a commencé à se dégager », raconte la mère de famille. La caractéristique d’un gaz qui peut être hautement toxique à forte dose : l’hydrogène sulfuré. Ce que découvre le couple, en 2003, en rencontrant un chimiste.
Les parents alertent aussitôt Hervé Lucbéreilh, président du Sictom, qui les reçoit. Le syndicat mixte prend à sa charge les frais du caveau de la petite Shelly. « Ils semblaient reconnaître la responsabilité de la mort de notre enfant. Mais rien ne bougeait », affirme la mère.
50 000 € d’amende requis
Conseillé par un avocat spécialiste de l’environnement, le couple décide de porter plainte avec constitution de partie civile devant les doyens des juges d’instruction avant la prescription. « Ces salariés modestes ont été traités avec mépris par les responsables du Sictom, qui ont des diplômes et des bons postes », accuse leur avocate Me Catherine Gesquière-Burban. Elle dénonce les conditions d’exploitation du site « où les infractions étaient alors pléthoriques » et « l’indifférence des élus ». « Personne ne s’est préoccupé de l’éventuelle dangerosité de l’installation d’un aérateur dans la lagune. On a la très désagréable impression d’un désintérêt total pour les gens qui vivaient là », enfonce le vice-procureur Sébastien Ellul, qui requiert 50 000 euros d’amende contre le Sictom.
Problème, l’information judiciaire à rallonge sur laquelle se sont succédé trois juges a, certes, débouché sur des expertises - dont plusieurs concluent au lien de causalité entre le décès de l’enfant et l’inhalation par sa mère de gaz toxique -, mais sur aucune preuve. Car aucune analyse n’a pu être effectuée. Autre étrangeté du dossier : on ne sait pas quels déchets étaient récoltés à Précilhon à l’époque des faits. Lorsque les gendarmes d’Oloron, chargés des investigations, ont voulu récupérer les registres, ils se sont heurtés au refus du SMTD et aucune perquisition n’a été ordonnée par le juge ! Des failles dans lesquelles s’engouffre la défense, qui plaide la relaxe. « La législation n’était pas la même qu’aujourd’hui, mais les règles en vigueur étaient respectées par le Sictom », insiste Me Robert Malterre. Silencieux pendant presque toute l’audience, Bernard Uthurry prend la parole en dernier et exprime sa « compassion » envers les parents de Shelly.
La décision sera rendue le 11 avril.
http://www.sudouest.fr/2013/03/01/un-bebe-mort-a-cause-de-la-dechetterie-980977-4344.php
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