lundi 1 avril 2013

Guerre des gangs à Marseille : « les minots se charclent pour survivre »

Aux quatre coins de cette gigantesque métropole de 1,5 million d’habitants, qui compte 144 cités, les bandes des quartiers se disputent des territoires, selon des règles bien établies. Philippe Pujol suit cet univers souterrain au plus près.
« Les bandes sont organisées par cités, réseaux de proximité, avec un vrai brassage ethnique, je ne crois pas au communautarisme des bandits. Les équipes sont liées à la cité, elles sont mixtes, on y trouve Italiens, Chaouis Algériens, Africains, Gitans, Comoriens, etc. »

« Ces bandes ne doivent pas déborder sur d’autres cités, sinon c’est la guerre. Les cités les plus importantes, tenues par des réseaux puissants comme Air Bel, la Cayolle, la Castellane, alimentent les plus petites. Il y a une hiérarchie classique. La famille “Bagdad’’, par exemple, est éclatée sur trois cités. Ces gros réseaux sont pacifiés. C’est chez les petits réseaux, pressés par les gros, que ça s’entre-tue, car les minots sont pris au piège, on les fait fumer dès 12 ans, et on les endette […]. »
  • Look à la Tony Montana
« À la Castellane, gros point de vente, où une demi-douzaine de réseaux coexistent, c’est 65 euros la vacation pour huit heures de boulot. Il suffit de compter : les jeunes dépensent entre 30 et 40 euros de shit par jour pour leur conso personnelle, ils se payent des baskets à 300 euros et des boucles d’oreilles dernier cri pour être dans le coup, sinon ils se font fracasser dans la cité, où le clinquant à la Tony Montana reste une valeur ; en plus d’être agressés physiquement, ces gosses ressentent une vraie pression consumériste. Ils s’endettent vite auprès du réseau, qui les tient à la gorge. Ils vivent chez leur mère, ne sont pas gavés de fric… Ces ‘‘choufs’’, “charbonneurs’’, petits dealers, travaillent pour les réseaux, et une fois qu’ils ne servent plus à rien, on les jette. Perdu pour perdu, certains tentent le coup et font venir 50 kilos de shit, qu’ils tentent d’écouler seuls pour gagner plus. S’ils sont pris, ils se font « charcler » (trucider) par les gros, ce sont les fameux “barbecues”. »
Un autre phénomène exacerbe la concurrence : « Il y a une baisse de la consommation, car les clients ont peur d’aller dans les cités, alors les gros points de vente cassent les prix. Du coup, aux Micocouliers, une cité mal placée pour la vente, il y a eu une bagarre entre petits qui a fait sept morts ; dans les journaux, on a parlé de 35 000 euros par jour. J’y suis allé pour vérifier, je suis resté une heure, il y avait ‘‘dégun’’ (personne), pas de clients ! C’est parce qu’ils galèrent qu’ils se tirent dessus… »
« Ces gens dans les cités sont névrosés. Le premier médoc, c’est le shit, “tu en prends, tu vas mieux”, tu es pris dans un engrenage. C’est là qu’il faut agir. La consommation festive, celle de la petite bourgeoisie du 8e, on ne la fera pas baisser… »

http://www.sudouest.fr/2013/03/31/les-minots-se-char-clent-pour-survivre-1010755-4778.php

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