vendredi 1 novembre 2013

Procès du notaire véreux de Biarritz : « Ce n’est pas un Jérôme Kerviel »

On vient ici chercher une peine aménageable aujourd’hui », a relevé hier l’avocate générale Christine Basse-Cathalinat. Face à elle, derrière la barre de la cour d’appel de Pau, Jean-François Larregain, ex-notaire biarrot. Le quadragénaire né à Saint-Jean-de-Luz en 1964 avait été condamné le 22 mars par le tribunal correctionnel de Bayonne à trois ans de prison ferme pour avoir détourné 440 000 euros des clients de l’étude à laquelle il était associé.
En première instance, les magistrats avaient aussi infligé à l’ex-notaire une interdiction définitive d’exercer une activité professionnelle en lien avec le maniement de fonds. Jean et blazer sombre, chemise bleue, mains sagement croisées, Jean-François Larregain, venu hier avec compagne et enfants, a répondu honnêtement, sans nier les faits, comme il l’a toujours fait.

Fils d’une femme de ménage
À la question de la présidente Danièle Forcade « Pour quelles raisons faites-vous appel ? », le père de famille, divorcé deux fois, a rétorqué : « À cause de la gravité de la sanction. Pour m’expliquer plus, et éviter de passer trois ans en prison ». Entre gravité et sévérité, la présidente a relevé le lapsus, et signifié que des détournements de fonds, les magistrats en voient effectivement passer à longueur d’année, mais rarement de cette ampleur, et sous couvert de la charge d’officier public et ministériel. « Il s’agit de faits délictueux très structurés », a lancé la magistrate.
« On trouve cela quand on a de la grande délinquance financière. » Ce fils de clerc de notaire et de femme de ménage, ayant débuté sa carrière à Saint-Pée-sur-Nivelle, a fait fonctionner, à Biarritz, depuis l’étude Andrieu-Larregain de l’avenue de la Reine-Victoria, un système de fausses factures et de fausses signatures au préjudice de huit clients, dont deux pour des sommes de plus de 100 000 euros. Aucune victime ne s’est constituée partie civile, mais toutes souhaitent rentrer dans leurs fonds via la caisse centrale de garantie après que la procédure de liquidation judiciaire de l’ex-notaire à titre personnel est venue à son terme.
Homme de paille envolé
L’enquête du parquet de Bayonne a permis d’établir que Jean-François Larregaina agi avec la complicité d’un homme de paille, Jean-Louis Garat, qui percevait 10 % de commission, et qui s’est définitivement envolé vers le Brésil après sa garde à vue. L’ex-notaire émettait des chèques au nom d’une société créée par Jean-Louis Garat aux États-Unis et ils étaient encaissés en Espagne. « Ce n’est pas un Jérôme Kerviel. Ce n’est pas un ancien ministre du Budget qui a décidé de planquer de l’argent ailleurs », a défendu Me Nouhou Diaollo, retraçant le parcours qui avait mené son client à ce « point de bascule ».
Car, avant 2009, le notaire à la tête, avec son associé, d’une étude de quinze salariés et 30 millions de chiffre d’affaires annuel, menait certes grand train (voitures de luxe, biens immobiliers) tout en assumant l’entretien de cinq enfants et le versement de deux pensions alimentaires, mais ses revenus étaient à l’avenant. En 2009, Jean-François Larregain avait déclaré au fisc 335 000 euros au plan professionnel. Mais selon Me Nouhou Diallo, la crise des subprimes américains et ses répercussions hexagonales, ont eu pour effet de faire chuter de façon drastique « l’achat de biens immobiliers des Français. Jean-François Larregain n’a plus pu faire face aux dépenses ».
Employé en Espagne
Aujourd’hui, l’ex-notaire exerce un travail de « secrétaire administratif » dans une entreprise proche de Pampelune (Espagne), spécialisée dans le traitement de la plume et du duvet de canard et d’oie moyennant une rémunération de 18 500 euros par an établie sur quatorze mois. Il demeure dans une situation de surendettement, malgré la vente de ses parts (900 000 euros) à son ex-associé, qui avait contribué à dénoncer les détournements de fonds auprès du Parquet de Bayonne. « Mais la SCP Andrieu & Larregain s’est servie en premier pour rembourser ses dettes à hauteur de 600 000 euros, ce qui n’est pas la règle », regrette Me Diallo.
L’avocat a dit la fragilité et la timidité de son client, un temps admis dans le service psychiatrique de Cam de Prats pour contrer l’expertise du dossier, le décrivant comme un être fonctionnant sur « le principe de plaisir » soucieux « d’obtenir une position sociale » et « conscient de ce qu’il faisait sans crainte ». L’ex-notaire craint aujourd’hui plus que toute la prison. Son avocat a donc plaidé un aménagement de peine et la modification de l’interdiction d’exercer qu’il encourt, afin qu’elle soit rédigée dans des « termes moins généraux ». L’arrêt sera rendujeudi 23 janvier.

http://www.sudouest.fr/2013/11/01/ce-n-est-pas-kerviel-1217168-4018.php

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