dimanche 13 novembre 2016

Gironde : un médicament la rend acheteuse compulsive, elle finit ruinée

Une femme estime que ses achats compulsifs sont liés au médicament qu’elle a pris des années durant.
Le syndrome des jambes sans repos. Ça lui prenait la nuit. Toutes les nuits. « Je jouais au football dans mon lit. Mes jambes s'agitaient, c'était un besoin irrépressible, un truc incontrôlable. J'empêchais mon mari de dormir, et moi, je ne dormais pas. » Annick Cletz avait près de 50 ans à l'époque. Elle était infirmière et tenait sa famille à bout de bras. Un mari, deux enfants, un appartement dans le Var où tous étaient installés. Un diagnostic de syndrome des jambes sans repos est posé, un médicament prescrit. l'Adartrel : un dopaminergique.
« Miracle, raconte aujourd'hui Annick. Le médicament m'a aussitôt calmée. Pourtant, j'ai fait une première tentative de suicide en 2006, et me voilà, en plus de l'Adartrel, sous antidépresseurs. Dans la notice de l'Adartrel, un médicament prescrit aussi aux parkinsoniens, il n'est pas question d'effets secondaires. Je ne m'inquiète pas. » Elle ne fait pas de lien lorsqu'elle se met à vider son compte en banque, en achetant à tout-va, tout et n'importe quoi. Des achats compulsifs de plus en plus fréquents, puis des crédits revolving pour acheter encore, rembourser les dettes.
En quelques années, la famille est sur la paille. Le couple explose. Les fils d'Annick ne reconnaissent plus leur mère. « Elle était le pilier de la famille, un tempérament solide », témoigneront-ils. Car Annick fera d'autres tentatives de suicide, avant de quitter le Var pour s'installer à Bordeaux où vit sa mère, après avoir vendu son appartement pour rembourser ses dettes. Situation financière exsangue. Moral dans les chaussettes. Et toujours ce médicament, Adartrel, dont elle apprend, entre-temps, qu'il n'est plus remboursé par la Sécurité sociale. « À Bordeaux, je suis suivie depuis 2011 par le docteur David Esfandi, psychiatre. Il est celui qui, le premier, a soupçonné une relation entre le médicament et mes troubles du comportement », signale Annick Cletz
Un rapport "douteux"
En effet, le docteur Esfandi, après des mois de suivi et après avoir écouté les témoignages des fils de sa patiente, s'étonne de cette fracture comportementale. Comment une personne intelligente, raisonnable, fiable, peut-elle ainsi plonger ? « Au fil des consultations, j'ai eu des doutes sur le diagnostic de bipolarité qui avait été posé car elle ne présentait aucun autre symptôme. Je suis addictologue, son comportement était compulsif et pas en rapport avec un trouble bipolaire. J'ai alors orienté ma patiente vers un médecin spécialiste des jambes sans repos, au CHU, lequel a changé son traitement. »
Entre-temps, la posologie de l'Adartrel stipule la présence d'effets indésirables, notamment des « risques d'achats compulsifs ». Le service de pharmacovigilance du CHU de Bordeaux est alerté. « Cette molécule, le ropinirole, est prescrite dans le cas du syndrome des jambes sans repos et de la maladie de Parkinson, et on sait qu'elle peut entraîner des troubles compulsifs, achats compulsifs ou hypersexualité, ou jeux d'argent. Désormais, les patients sont avertis. Cela fait partie des risques possibles », admet le docteur Ghada Miremont-Salamé.
Pour sortir de l'enfer de sa culpabilité (« J'ai bousillé ma famille »), Annick Cletz avait besoin d'une réparation symbolique. Alors, elle a intenté une action juridique contre les laboratoires de l'Adartrel (GSK et Boehringer-Ingelheim), via l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, pris un avocat à Bordeaux et s'est soumise à une expertise médicale.
Deux experts sont chargés du dossier, les docteurs Rolland Coutanceau et Bernard Rouveix. Ce dernier a été mis en examen le 17 juillet 2013 dans l'affaire du Mediator pour prise illégale d'intérêt. Au cours de l'instruction du Médiator, il est aussi apparu qu'il avait réalisé des études pour Sanofi, le laboratoire qui commercialise la Dépakine…
Toujours est-il qu'Annick Cletz perd son procès. Conclusion du rapport d'expertise : « Il n'y a pas de relation directe entre le comportement de Mme Cletz et la prise d'Adartrel. Le diagnostic de l'imputabilité des dépenses excessives à l'Adartrel est situé au niveau 1, soit douteux. » Annick Cletz attend toujours sa réparation.
http://www.sudouest.fr/2016/11/13/ce-medicament-m-a-totalement-ruinee-2566669-2780.php
 

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