Le tribunal a condamné hier une jeune pyromane à 16 mois de prison dont 12 avec sursis. Jamais, il n'a été possible de savoir ce qui la motivait…
MÉLINA a fêté ses 18 ans le 1er juillet dernier. La voilà donc aujourd'hui majeure. Un moment que beaucoup de jeunes attendent avec une certaine impatience. Pour elle, cette majorité a une tout autre saveur puisque ce passage dans le monde des adultes lui a valu d'être jugée comme une… adulte.
Résultat : cette jeune pyromane impénitente, dont le profond mal-être ne fait aucun doute, a été directement conduite à la maison d'arrêt de Châlons-en-Champagne à l'issue de son jugement.
Le tribunal n'aurait peut-être pas été aussi sévère si trois jours auparavant, la présidente n'avait eu à juger cette jeune fille pour une sombre histoire de vol de vélo. Mélina avait alors promis de se racheter une conduite.
La justice lui avait fait confiance et patatras ! Le surlendemain, les policiers de la Bac l'interpellaient en pleine nuit en flagrant délit alors qu'elle venait d'embraser deux containers à ordures dans le quartier de la Ronde Couture. C'est son truc à Mélina de mettre le feu aux poubelles. Bizarrement, ses tendances pyromaniaques se sont déclenchées à partir de l'été 2010. Pour quelle raison ? C'est ce qu'aurait aimé savoir Mme Picoury et ses assesseurs. Tout le monde est malheureusement resté sur sa faim. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé de la faire parler. La présidente a tout tenté. Après l'avoir mis devant ses responsabilités et s'être quelque peu agacée de la retrouver si rapidement dans le box pour y être jugée selon la procédure de comparution immédiate, elle s'est adressée à elle avec patience et douceur, devinant bien que derrière « tout ça » se cachaient sans doute de gros problèmes. « Pourquoi brûlez-vous des poubelles ? À quoi ça sert ». D'une voix à peine audible Mélina donne la seule réponse qui lui vienne à l'idée : « A rien ».
- « Ça vous prend comme ça ? Ça vous amuse ? Ça vous défoule ? Ça vous fait du bien ?
- « C'est une envie » marmonne la jeune fille, toujours aussi recroquevillée sur elle-même.
- Vous parlez avec votre mère ? Avec vos frères et sœurs ?
- Non.
Appels au secours
Se replongeant dans le dossier, la présidente lui fait remarquer que tous ces incendies de poubelles ou de containers avaient commencé à partir de l'été 2010, ce qui lui avait d'ailleurs valu une condamnation par le tribunal des enfants et par là même la menace d'une peine plancher en cas de récidive.
- Mademoiselle, dites-nous ce qui s'est passé dans votre vie à partir de l'été 2010. Il est important pour le tribunal de comprendre ? Long silence. Rien à faire. Me Saïda Harir demande alors une suspension d'audience pour s'entretenir avec sa cliente. Un quart d'heure plus tard, les débats reprennent.
- Alors, vous voulez bien nous parler maintenant ? demande Mme Picoury. La jeune fille se contentera de quelques mots à peine audible : « Il y a de la violence à la maison. Les feux, c'est pour me venger ». On n'en saura pas plus si ce n'est que cette courte explication correspond plus ou moins à ce qu'avait conclu l'expert psychiatre : « L'envie de mettre le feu correspond à une décharge émotionnelle. Il y a chez cette demoiselle un malaise psychologique refoulé dont elle ne veut pas parler ».
Mme le procureur se sentira, elle aussi, quelque peu démunie devant le « cas Mélina » : « Je suis assez triste de la voir se détruire consciencieusement. Elle n'essaie même pas de se défendre. J'ai bien compris que ces actes étaient des appels au secours, mais si ça continue, tout cela finira obligatoirement mal ».
Face à cette désarmante demoiselle à peine sortie de l'adolescence, le parquet n'a pas réclamé la peine plancher de 4 ans, n'y voyant sans doute pas une solution à la problématique de la prévenue. Un an de prison dont dix mois avec sursis furent requis ainsi qu'une mise à l'épreuve de deux ans avec obligation de trouver du travail et de suivre des soins
Me Saïda Harir n'avait guère d'éléments positifs à faire valoir pour sauver cette jeune fille en perdition : « Je n'ai pas de contrat de travail à vous présenter. Elle ne cherche ni à se défendre, ni à attendrir le tribunal. Tout ce que je peux vous dire c'est que la problématique qu'elle a évoquée est beaucoup plus grave que ce qu'on imagine. Il faudrait peut-être lui tendre la main une dernière fois ».
Le tribunal a préféré prononcer un mandat de dépôt. Mélina devra donc passer quatre mois en prison : « Il faut à tout prix que vous réfléchissiez mademoiselle pendant ces quatre mois ». Mélina est partie menottée entre deux policiers. Encore et toujours sans rien dire.
http://www.lunion.presse.fr/article/ardennes/les-silences-inquietants-de-melina-la-jeune-pyromane
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